LES JOURS VENUS…
Je filme donc je suis !
À l’aube du troisième âge, Romain Goupil s’interroge sur cette période charnière où l’essentiel de sa vie est à présent derrière lui. En mêlant des scènes de fiction à l’intimité de ses films de famille, le cinéaste compose un savant bric-à-brac où fourmillent nombre de ses réflexions. Cette succession de scènes, rythmée autant qu’efficace, rebondit de sujet en sujet au gré de sa curiosité. Crise syrienne, caisses de retraites, Vélib ou association de locataires : autant de thèmes qui cohabitent dans une joyeuse effervescence.
Cependant le fond est bien autre. Derrière ce patchwork d’idées, se cache une réelle introspection humaine et artistique. Romain Goupil se retrouve à présent entre deux générations de capteurs d’images avec d’un côté son père Pierre, ancien chef opérateur, qui risque de devenir aveugle et exprime clairement l’intention de mettre fin à ses jours si cela arrivait. Et d’un autre côté, son fils Jules, qui est à présent en âge d’être derrière la caméra. De leurs échanges se révèle un réel besoin d’observer mais leurs visions diffèrent : elle est vitale pour l’ancien, alors que pour le plus jeune elle est avant tout exaltée.
Vivre pour l’image est aussi une question de talent créatif. Pour évoquer toutes les facettes de ce processus, Romain Goupil crée trois muses qui représentent chacune une part essentielle de son travail. La séduisante banquière Valeria Bruni Tedeschi incarne l’aspect cartésien du système : l’importance de l’argent et la réalité politique et sociale du monde qui l’entoure. La sage productrice Noémie Lvovsky offre un regard critique, attentif et constructif sur la conception du film. Quant à la fragile sculptrice Marina Hands, elle exprime toutes les émotions véhiculées quand on écrit sur soi. Reste un élément important : l’observation, matérialisée tout au long du film par quelques scènes anecdotiques filmées dans les transports en commun.
Au fur et à mesure de son parcours introspectif, le cinéaste tout d’abord abattu par l’annonce de sa retraite par un courrier administratif, retrouve petit à petit confiance en lui pour imposer à nouveau son franc parler ! « Trotskiste un jour ! Tyran toujours ! » s’exclame Cohn-Bendit dans une superbe scène finale. Romain Goupil n’est pas mort, il a vieilli tout simplement et une fois digéré, cet état apporte une nouvelle vision de la vie au cinéaste qui compte bien s’exprimer, autant de fois encore qu’il y a de doigts sur les mains de Valeria Bruni Tedeschi, aussi longtemps qu’il le pourra, jusqu’au jour venu !
Gaëlle BouchéEnvoyer un message au rédacteur