SPRING BREAKERS
Quand inconscience et bêtise sont réunies sur les plages de Miami
Une sorte de vidéo-clip au ralenti, des ribambelles de maillots de bain, des corps qui dansent, des gestes sexuels, ainsi commence « Spring breakers », la nouvelle provoc signée Harmony Korine, ancien co-scénariste de Larry Clark (« Kids »). Cet éternel adolescent, dans le look comme dans les centres d'intérêt; s'est déjà fait remarquer comme réalisateur avec « Gummo » et « Mister lonely ». Le voici qui s'attaque de nouveau aux errances de la jeunesse américaine, avec un film « mode » sur une véritable tradition Outre Atlantique, qui veut que les jeunes lycéens se rendent durant les vacances de printemps, à Miami ou à Cancun, pour faire la fête jour et nuit, et consommer à outrance, alcool, drogue et sexe.
Posant le désœuvrement et l'argent facile comme background de jeunes et jolies filles influençables, le scénario nous entraîne sans problème, dans le sillage d'un quatuor de braqueuses en herbes aussi superficielles que bien roulées. Harmony Korine peut ainsi, une fois ses personnages entre hôtels, piscines et plages, illustrer le défoulement primaire et la débauche liée aux pulsions adolescentes, au travers de scènes de drague, danse, et prises de drogue. Construisant un paradis artificiel, il en met en évidence l'aspect idyllique et festif, en amplifiant les couleurs de maillots, ou en utilisant des filtres rouges pour les prises de coke, et en transformant les armes en jouets délivrant une dose d'alcool ou servant d'accessoire valorisant. Reste qu'il souligne aussi, par les transitions gérées à coup d'armes à feu, le danger potentiel qui guette ses jeunes brebis.
Mettant en parallèle des coups de fils des jeunes filles à leurs parents et des images proches du vidéo-clip, le montage de « Spring breakers », souligne ironiquement certains mots devenus vides de sens dans la bouche de ces jeunes filles. Décrivant le bonheur d'être là, il souligne la beauté des lieux en l'illustrant par des mecs qui pissent. De même, en images, tous les amis formidables que les jeunes femmes se sont faits sur place, deviennent une tripotée de paires de fesses. L'innocence se mue donc en bêtise, inconscience, jusqu'à leur première descente aux enfers et l'arrivée du personnage de James Franco, gangsta blanc à dreadlocks et dents en or. À la fois DJ-rappeur et dealer, il est l'incarnation même de l'argent facile, coupable évident jamais condamné, qui s'est pourtant adonné à toutes les activités illégales possibles.
Mettant en avant les mensonges du quatuor de filles, Korine mélange les genres et s'amuse des figures à la mode tels le rappeur plein aux as, ou la star mi ange mi démon (Britney Spears), tout en dénonçant un rêve américain totalement dévoyé. Il fait même dire à l'un de ses personnages « mon rêve je le rends vrai », alors que le film même semble prendre la forme d'un fantasme masculin auquel souscrivent presque sagement les jeunes filles en fleur. Ceci tout au moins jusqu'à la longue scène de la chambre d''hôtel, où le rapport de force semble pouvoir s'inverser, et où vous découvrirez une simulation de fellation hors du commun. Comme si les hommes au final n'avaient pas la seule exclusivité de la bêtise.
Si l'aspect esthétisant du film en agacera certains, par ses filtres de couleurs, ses couleurs phosphorescentes, il n'en reste pas moins que cette ambiance traduit bien à l'illusion de bonheur que procure le lieu de l'intrigue et la fête permanente qui s'y déroule. Cela vaut cependant la peine d'être patient, et de passer outre la première impression, pour se laisser bercer par ce conte cynique, vision d'une Amérique ayant perdu de vue son rêve, et d'une adolescence où découverte de soi et de ses semblables, revêt une signification toute particulière.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur