ASPHALTE
Quotidien déconfit pour rencontres douces-amères
En adaptant son propre roman intitulé Les Chroniques de l'asphalte, Samuel Benchetrit revient à ce qui avait globalement fait le succès du formidable "J'ai toujours rêvé d'être un gangster". Mélange de plusieurs histoires, d’humour noir, d’absurdité, de déviations du quotidien, le voici qui nous invite à trois rencontres autour d'un ascenseur au fonctionnement aléatoire. Situant son action dans une cité aussi décrépie que ses personnages, il nous propose un étrange voyage, entre misère quotidienne et beauté cachée des êtres.
Pour servir ses récits entremêlés, il rassemble un casting bigarré et improbable. Ainsi, son scénario loufoque réunit de drôles de tandems : un Gustave Kervern pathétique à souhait avec l'indépendante et mystérieuse Valeria Bruni Tedeschi, une Isabelle Huppert joliment désenchantée avec l'entreprenant Jules Benchetrit, et un surprenant et décalé Michael Pitt avec la bouleversante de solitude Tassadit Mandi (la vraie révélation du film, vue dans les séries « Engrenages », « Falco », et « Détectives » avant de jouer dans « Harissa mon amour » et « Dheepan »).
Le début du film est absolument tordant et plus chaque histoire progresse, plus l'émotion prend le dessus sur l'humour (souvent grinçant), la notion de solitude sous-tendant au final chacune de ces trois histoires. Cependant, l'inégalité d'importance entre les trois récits (celui avec Huppert a du mal à séduire totalement) déséquilibre quelque peu un ensemble qui ne tient pas toutes ses promesses sur la longueur.
Les fans de comédie retiendront avant tout les riches détails de l'histoire de l'homme en fauteuil roulant, du vote autour des questions d'ascenseur à l'espionnage des horaires des allers et venues des autres occupants, de la crise cardiaque sur vélo d'appartement à l'alimentation dans un distributeur automatique. Quant aux plus tendres ils retiendront les échanges difficiles et pourtant si naturels entre la vieille maghrébine qui ne demande qu'à communiquer (ah, la scène autour du soap opera !).
Au final, on passe un délicieux moment devant cette peinture de rapports humains dégradés. Le scénario remet avec acuité la notion de proximité au cœur de son récit et se moque gentiment des acteurs et des films « art et essai » (le visionnement de "La femme sans bras" en noir et blanc s'avère assez savoureux). Tout ceci fait d'"Asphalte" un petit plaisir doux-amer dont on aurait bien tort de se priver.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur