Festival Que du feu 2024 encart

LES FRÈRES GRIMM

Un film de Terry Gilliam

La fantaisie à l’épreuve d’Hollywood

A l’aube du XIXe siècle, les frères Grimm étaient connus dans toutes les campagnes pour être les seuls capables de vaincre les esprits maléfiques et les créatures en tous genres qui épouvantaient les villages. Leur lucrative entreprise cachait cependant un petit secret : Jacob et Will se contentaient de combattre les monstres diaboliques que leurs complices animaient grâce à d’ingénieux trucages et d’impressionnantes mises en scène. Du coup, lorsque les autorités les obligent à se rendre à Marbaden, l’enjeu est tout autre. Le hameau vit dans la terreur absolue depuis que ses petites filles sont enlevées les unes après les autres. Cette fois, les frères Grimm n’ont pas affaire à une illusion. Avec la très belle Angelika, ils vont découvrir que la forêt lugubre renferme un terrible secret, un monde de magie et de sortilèges peuplé des plus incroyables créatures…

On a connu Terry Gilliam, plus inspiré, plus fou, plus poétique. On l’a connu plus libre et imposant sa vision contre vents et tempêtes. Le film ne porte ici la marque de son auteur que par intermittences, en ces instants où les carcans hollywoodiens ne sont pas assez forts pour contenir ses délires baroques. Les frères Grimm est l’exemple presque type de l’œuvre bancale. Et même si Gilliam assure que le montage final est le sien, trop de concessions en amont ont eu raison de l’intégrité artistique du projet : Gilliam voulait Johnny Depp plutôt que Matt Damon, il dut réécrire en partie le scripte, alors que le chef op’ habituel du cinéaste fut remercié au bout de quelques jours de tournage.

C’est beaucoup pour un seul film, et il n’est finalement pas étonnant que le résultat paraisse tout à la fois fade mais beau, consensuel mais décalé, cruel mais joyeux. Ces incessants paradoxes se retrouvent deux heures durant, et bien sûr c’est un sentiment d’inachevé qui au final prédomine. Cette pâle copie du déjà peu incarné Sleepy Hollow est traversé de fulgurances « gilliamesques » : des travellings en dolly assez époustouflants, un humour so british détonnant, des visions oniriques émerveillantes ou encore ce bestiaire de conte de fée que l’on ne se lasse pas de voir.

Reste que le grand thème du cinéaste, à savoir le rêveur qui bute sur la réalité (et inversement) n’est traité que de façon sporadique. La relation entre les deux frères, pivot du film, est ainsi trop artificielle. Les péripéties et l’atmosphère merveilleuse prennent le pas sur la caractérisation des personnages, et l’on sort difficilement d’une dichotomie simpliste entre Jacob le rêveur et Will le rationnel. Heureusement, l’esprit débridé du cinéaste ne peut être circonscrit, même par les frères Weinstein, et le film est d’un bout à l’autre divertissant, enchanteur et amusant. C’est déjà beaucoup. C’est pourtant trop peu.

Thomas BourgeoisEnvoyer un message au rédacteur

Laisser un commentaire