BUONGIORNO, NOTTE
La petite histoire sert de prétexte à la grande Histoire
Un film bouleversant. Marco Bellocchio fait décidément bien les choses. Acclamé par la critique pour son précédent film, " Le Sourire de ma mère " sorti en 2002, le réalisateur italien prouve encore une fois son talent. Le " Bel œil " parvient ici, à force de petits coups de pinceau, à dresser une fresque magnifique à partir d'un sujet douloureux : l'enlèvement d'Aldo Moro, considéré comme le " symbole d'une collusion insupportable entre les forces réactionnaires et les représentants du prolétariat accusés de révisionnisme ". Pas facile… Le 16 mars 1978, le dirigeant est enlevé par une poignée de révolutionnaires appelés les Brigades Rouges, connus pour leurs nombreux actes terroristes : attaque de grands groupes industriels, agressions de contremaîtres, enlèvements du directeur de l'usine Fiat à Turin et du juge Maro Sossi… Le 9 mai 78, après trois mois de séquestration, le Président de la Démocratie Chrétienne Aldo Moro est retrouvé assassiné.
Le génie du film repose sur la façon dont Bellocchio traite cet enlèvement. Le portrait historique est dressé avec finesse et doigté grâce au personnage de Chiara (Maya Sansa, déjà vue dans " Nos Meilleures années "). A travers ses yeux, le spectateur assiste à cette incroyable aventure : le réel devient insupportable à mesure qu'elle s'attache à cet homme, symbole d'un pouvoir qu'elle combat. Le film prend une dimension d'autant plus déstabilisante que peu à peu, le prisonnier parvient à ébranler ses convictions. Dès lors les silences deviennent le plus long des discours, tandis qu'on assiste à l'écroulement des rêves de ces quatre ravisseurs. Le spectateur lui aussi se retrouve finalement pris au piège avec eux : les plans serrés étouffent l'atmosphère, déjà alourdie par une musique décalée et décapante. Bien au-delà d'un simple regard sur le passé, le film de Bellocchio raconte l'échec d'une génération et de son utopie extrême et violente.
Lucie AnthouardEnvoyer un message au rédacteur