Festival Que du feu 2024 encart

NEDS

Un film de Peter Mullan

Détour par la case délinquance

A Glasgow en 1973, John Mc Gill est un élève appliqué, qui a envie d'étudier. Il va avec son père, alcoolique violent qu'il déteste et sa mère, son grand frère Benny étant parti de la maison pour rejoindre une bande. Cela dit, John profite bien de la réputation de Benny quand cela l'arrange, pour impressionner ou faire pression sur les racailles du coin. Mais en cette nouvelle année scolaire, John est vexé, car il se retrouve dans la seconde classe, devant faire ses preuves pour passer dans la première, tout cela à cause de la réputation de son frère, ancien élève autrefois expulsé...

En anglais, « Neds » est l'abréviation de « Non educated delinquents » (jeunes délinquants sans éducation). En cela le film de Peter Mullan, découvert en acteur chez Ken Loach (« My name is Joe ») et devenu réalisateur reconnu (« The magdalene sisters ») fait œuvre éducative, en décrivant l'univers des bandes qui sévissent dans les quartiers de Grande Bretagne, et qui font à la fois figure de héros et de monstres locaux, exerçant auprès des autres jeunes une sorte d'attraction-répulsion.

Le personnage de John, qui a valu à Connor Mc Carron le prix d'interprétation au dernier Festival de San Sebastien, est d'ailleurs finement écrit de ce point de vue là, d'abord distant par rapport aux bandes, utilisant intelligemment l'influence de son frère pour servir ses propres objectifs, il va ensuite se laisser tenter, à force d'humiliations régulières, et d'assimilation de son comportement à celui de son frère, ou pire, de son père, de la part des professeurs ou de la famille riche d'un de ses amis.

Peter Mullan, lui, s'offre le rôle ingrat du père, alcoolique, suggéré violent. On l'aperçoit à plusieurs reprises, lorsqu'il apparaît et provoque le silence en parcourant la pièce jusqu'à un mystérieux tiroir fermé à clefs, ou lorsqu'il hurle dans le couloir, ivre, pour que sa femme descende. L'entourage des jeunes n'est donc pas épargné, les parents étant souvent en partie responsables, voire parfois aveugles face aux agissements de leurs enfants. Et l'on peut se dire que légitimement, ceux-ci vont simplement vers ceux qui les acceptent.

Une fois de plus, après l'école privée protestante dans « The magdalene sisters », Peter Mullan épingle le système éducatif de son pays, coté public cette fois-ci. En pointant la forme de « nouvelle chance » offerte aux anciens délinquants (se retrouver dans la pire classe, avec les plus déficients et un sous-programme simplifié...), il met en évidence le fait que les jeunes ne peuvent compter que sur leur propre détermination. C'est ici l'élève qui empêche le professeur de lui retirer un livre des mains: tout un symbole. Ce sont aussi les professeurs qui s'enfuient les premiers lorsque le bus tombe en panne au beau milieu d'un zoo où les animaux sont en liberté. Une scène certes pas très utile, mais qui enfonce bien le clou quant au message du film.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

Laisser un commentaire