L’ASTRAGALE
Un film soigné mais boiteux
Adapté une première fois au cinéma en 1969 par Guy Casaril avec Marlène Jobert, le roman autobiographique « L’Astragale » a marqué les années soixante en évoquant la vie de prostituée de son auteure Albertine Sarrazin. Abandonnée à Alger à sa naissance, la romancière fut adoptée à 2 ans par un couple de français qui élevèrent la jeune fille dans une éducation stricte et religieuse. Violée à 10 ans par son oncle, Albertine accumula les dérives jusqu’à être complice d’un meurtre. Emprisonnée à Doullens dans la Somme, elle réussit à s’échapper et ainsi débute l’histoire de son premier roman « L’Astragale ».
Plus qu’un procès à charge contre une société moralisatrice et patriarcale, « L’astragale » évoque avant tout une histoire d’amour, celle d’Albertine avec Julien qui comme elle, alterne taule et cavale. Pour exalter la beauté de ses deux personnages magnifiquement incarnés par Leïla Bekhti et Reda Kateb, Brigitte Sy pare son film d’une photographie soignée. Un noir et blanc vaporeux piqué d’un grain très fifties qui rappelle les plus beaux films de la nouvelle vague. Un parti pris esthétique qui déconnecte l’histoire de la réalité sans pour autant l’assumer complètement.
Ce décalage, déjà perceptible dans l’atmosphère que dégage le film, est amplifié par des dialogues qui oscillent entre différents styles très marqués et qui au final donnent un résultat assez chaotique. Leïla Bekhti, déclame souvent des phrases trop bien écrites pour être naturelles. Certainement des passages du roman initial qui donnent à ses paroles un ton empesé, réfléchi et plutôt prétentieux. Parallèlement à cela, certaines scènes se veulent plus populaires, en utilisant un vocabulaire imagé et gouailleur, digne de répliques de Jacques Audiard. Cette succession d’hommages artistiques prend ainsi le pas sur l’émotion et peu de scènes au final révèlent une vraie sensibilité.
On assiste ainsi à une chronique un peu désuète, plus proche de la bluette que de l’histoire d’amour passionnelle. Un film englué dans un exercice de style, qui à trop vouloir en faire ne retient en fin de compte que l’aspect « démodé » de cette histoire. Un paradoxe pour une deuxième adaptation, qui est censée apporter un second souffle à un vieux succès littéraire des années 60.
Gaëlle BouchéEnvoyer un message au rédacteur