J'AIME TRAVAILLER
Une implacable autopsie du harcèlement moral
Changer brutalement quelqu’un de poste, nier implicitement ses compétences, lui donner des tâches de plus en plus ingrates (l’organisation de l’archivage, le contrôle des photocopies), lui imposer des missions impossibles, sont autant de manœuvres de management visant à démontrer le peu de sérieux d’une employée. L’obliger à se marginaliser d’elle même, à se mettre à dos ses collègues et lui faire ressentir une insécurité permanente, qu’elle soit financière ou physique, sont autant de méthodes assimilables à du harcèlement, visant à faire démissionner cette personne.
J’aime travailler, film éprouvant s’il en est, traite de cette pratique du mobbing, ou harcèlement moral, qui isole certains employés, les pousse à la déprime, voire à des extrêmes bien plus graves. Niccoleta Braschi (Madame Benigni, déjà remarquée dans La vie est belle) subit ici toutes les humiliations possible, incarnant l’incompréhension, et la bonne volonté, avec grâce. L’ambiance clinique, due à l’utilisation répétée de couloirs ou bureaux aussi impersonnels que remplis, fait plonger le spectateur dans une sorte d’appréhension constante, où la question subsiste : que vont ils pouvoir inventer ensuite ?
Cette fiction, signée Francesca Comencini (Carlo Giuliani, ragazzo), est une nouvelle dénonciation d’un système qui n’hésite pas à écraser l’individu qui refuse de s’asservir à l’entreprise. Un ensemble de valeurs, qui voudrait que la vie privée n’existe pas, ou s’efface devant des besoins, parfois irréalistes d’une entité professionnelle envahissante. Un film graduellement effrayant, qui enfonce le clou, et sonne l’heure de la révolte.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur