Festival Que du feu 2024 encart

PARLEZ-MOI DE VOUS

Un film de Pierre Pinaud

Le charme sans la finesse

Mélina est une star de la radio. Personne ne connaît son visage mais la France entière connaît sa voix, qui calme les angoisses des auditeurs et les aide à résoudre leurs problèmes sexuels et affectifs. Pourtant, Mélina n’est pas un exemple de femme épanouie. Elle est en réalité Claire Martin, repliée sur elle-même dans son appartement aseptisé su 16e arrondissement de Paris, coupée de tout contact social. Jusqu’au jour où, grâce à une agence de détective privé, elle retrouve enfin la personne qu’elle recherche depuis des années…

Alternant ces dernières années les rôles de comédie pure (« Rien à déclarer », « Potiche ») et de comédie plus sociale (« Ma Part du gâteau », « Polisse »), Karin Viard exhale un charme et une exubérance qui en font une actrice rassurante. On sait, quand elle figure à l’affiche, que l’on va passer un bon moment. Et même lorsqu’elle en fait un peu trop, ce qui est le cas dans ce film, cela n’enlève rien au charme de sa personne et à l’humour qu’elle distille. Karin Viard, et l’excellent casting qui l’accompagne, constituent donc indéniablement l’atout de ce film, que de nombreux petits défauts auraient pu plomber.

En effet, si « Parlez-moi de vous » a dans sa forme la fraîcheur d’un premier film, il n’est pas exempt d’une certaine lourdeur dans son propos. Le problème n’est pas à chercher du côté du sujet, tout de même intéressant -une femme qui vit par procuration à la radio ce dont sa vie est privée-, mais plutôt du côté des manifestations du mal-être de celle-ci. Phobique, maniaque, asociale, glaciale, limite hautaine… les traductions des blessures de Melina/Claire s’avèrent un peu trop radicales, frisant la caricature (ce qui explique par ailleurs pourquoi Karin Viard tend à sur-jouer son rôle). De plus, certaines situations manquent de naturel, servant souvent de prétexte à créer l’émotion ou à épaissir un personnage manquant de consistance (Luca, incarné par Nicolas Duvauchelle, montrant ses photos prometteuses à Claire ; l’intervention incongrue d’une auditrice relatant à la radio des souvenirs d’enfance pareils à ceux de Mélina…). Quant aux choix musicaux, douteux, ils viennent se plaquer grossièrement sur les scènes clés, forçant le trait de la gravité, de l’émotion, ou des deux à la fois. Le silence est parfois bien plus efficace que les violons.

Ceci dit, de façon inexplicable, le film se regarde avec un certain plaisir. L’absence globale d’émotion « naturelle » est palliée par d’efficaces séquences de pure comédie, qu’il serait malhonnête de dédaigner. On reconnaît également au jeune réalisateur une capacité à développer des idées de mise en scène originales et un sens du rythme plutôt flatteur, qui évacue tout risque d’ennui. Un film déséquilibré, donc, mais loin d'être désagréable.

Sylvia GrandgirardEnvoyer un message au rédacteur

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