THE LAST FACE
Lorsque l’ignoble rencontre le sordide…
Le 19 mai, la Croisette a tremblé. Partout, on entendait les mêmes mots, « honte », « horreur », « scandale »… Au fil des minutes, les critiques assassines s’intensifiaient. L’objet de cette véhémence ? Le nouveau film de Sean Penn en tant que réalisateur, "The Last Face", métrage prétendu obscène et indécent. Et dès les premières minutes, ce pugilat va s’avérer légitime. Le film s’ouvre sur un carton estimant que la brutalité de la guerre n’est comparable qu’à un amour impossible entre un homme et une femme. Il fallait oser. Car déjà faire un mélodrame sur deux des conflits les plus violents qu’ait connue l’Afrique (au Libéria et au Soudan du Sud) était quelque chose de périlleux (voire stupide), mais rentrer dans le sujet de cette manière est au minimum choquant.
Tout le reste du film ne sera alors qu’une accumulation gratuite d’images sanguinolentes, noyées dans un scénario ridicule et une mise-en-scène catastrophique. Se rêvant Terrence Malick, Sean Penn sombre dans tous les écueils possibles avec son utilisation hasardeuse des artifices filmiques (ralentis, gros plans faussement ésotériques, zoom sur la végétation, effets musicaux discutables), nous offrant un nanar 2.0 d’une durée insurmontable de 2h12. Enchaînant également les plans face caméra de protagonistes nous rappelant à quel point la guerre, c’est mal, "The Last Face" rate complètement sa dimension revendicatrice, l’aberration et le grotesque de la forme rendant même le pamphlet totalement insignifiant. Et il est franchement difficile de comprendre comment un cinéaste talentueux, réputé par son militantisme et ses engagements humanitaires, a pu donner vie à un objet aussi abject…
Focalisant son objectif sur une amourette stéréotypée, Senn Penn construit son récit sans considération pour le contexte politique, amenant les problématiques avec une « maladresse » difficilement défendable (il suffit de voir l’intégration du fléau du SIDA à l’histoire). Au-delà de cette relation amoureuse entre un médecin espagnol et d’une directrice d’ONG, le principal problème du film est qu’il est totalement déconnecté du message humaniste qu’il aimerait diffuser. Durant le discours final, le personnage de Charlize Theron rappelle l’humanité des réfugiés, leur condition actuelle n’étant qu’un reflet d’une actualité tragique qui en rien ne définit ces personnes. Sauf que durant tout ce qui a précédé, le métrage ne traite les victimes que comme de la chair déchiquetée, ne s’intéressant jamais à leur histoire et aux raisons des conflits (parce que oui, le film traite de deux guerres, totalement différentes, comme si c’était la même). Au final, l’Africain est soit un malade surexcité par le sang soit un corps amené à être écorché dans les secondes suivantes. De là à traiter le propos de raciste, il n’y avait qu’un pas que de nombreuses critiques ont franchi.
Désormais auréolé du statut de pire film présenté au Festival de Cannes (détenant ainsi le record du plus bas score obtenu sur la grille des critiques internationales distribuée quotidiennement aux festivaliers), une question se pose tout de même : peut-on sauver quelque chose de ce naufrage nauséabond ? Si les répliques déjà cultes d’un Jean Reno fatigué vous offriront de beaux fous rires, le seul argument favorable de l’ensemble tient en une seule femme : Charlize Theron. Car même lorsque tout est mauvais, la comédienne brille. Survolant ce fouillis scénaristique consternant, elle donne de sa personne pour que les spectateurs les plus acharnés continuent à s’intéresser au triste tableau qui nous est dépeint. Malheureusement, même pour ses plus grands admirateurs, le déplacement dans une salle de cinéma ne se justifie pas.
Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur