ASSASSIN'S CREED
Pour : Synchronisation parfaite entre cinéma et jeu vidéo
Passé pour mort, prisonnier d’une mystérieuse organisation, Callum Lynch est chargé d’une mission bien spécifique : récupérer dans le passé un objet nommé la « Pomme », susceptible d’éradiquer la violence dans le monde. Grâce à une technologie révolutionnaire, il peut en effet revenir au XVe siècle, et revivre les actions de son ancêtre Aguilar, membre de la société secrète des Assassins, qui se battait alors contre l’Ordre des Templiers…
Qu’attendre d’une énième adaptation de jeu vidéo au cinéma ? Un nouveau massacre en règle prônant l’incapacité permanente à savoir marier les spécificités des deux médiums, ou au contraire une proposition de cinéma prompte à surprendre ? Pour une fois, la seconde option sera la bonne, et ce en dépit des rumeurs annonçant un projet bancal, voire une anomalie commerciale. A bien y regarder, le film de Justin Kurzel (auréolé du succès de sa relecture stylisée de "Macbeth") est bel et bien une anomalie, mais heureuse et constructive, où le réalisateur a su exploiter un jeu vidéo au potentiel déjà hyper cinématographique à la base (pour schématiser, un sous-"Prince of Persia" révélant assez vite une narration bicéphale entre monde réel et monde virtuel) et y superposer la fonction sous-jacente d’un jeu vidéo : questionner le rapport qu’entretient le joueur/spectateur avec son libre arbitre lorsque l’action consiste à contrôler un avatar dans un monde virtuel.
Passons vite sur une intro assez ramollo qui expose l’enjeu fantaisiste du récit (en gros, récupérer un objet sphérique nommé la « Pomme » qui pourrait anéantir le libre arbitre de tout individu !) pour rentrer dans le vif du sujet : un condamné à mort (Michael Fassbender) se réveille face à une étrange scientifique (Marion Cotillard) qui va l’utiliser comme cobaye pour une expérience visant à éradiquer la violence chez l’être humain. Si cela vous rappelle "Orange mécanique", c’est bien normal : la question du combat de l’être humain contre l’aliénation de son libre arbitre est ici plus que jamais au centre des enjeux, et qui plus est sous forme métatextuelle. Dans la mesure où la fameuse expérience de l’Animus évoque un jeu vidéo grandeur nature où Fassbender incarne un avatar situé en pleine Inquisition Espagnole (avec Cotillard en <i>gamer</i> détourné qui customise, contrôle et guide le héros à distance par le biais d’un bras mécanique – un joystick ?), il ne fait aucun doute que Kurzel n’avait cure du récit et aura souhaité au contraire se focaliser sur l’impact d’une mécanique narrative à double visage, qui pervertit le libre arbitre du héros (virevoltant à loisir dans le passé, asservi à n’en plus finir dans le présent).
Immergé dans un va-et-vient constant entre une action spatialisée – les travellings aériens de Kurzel filent le vertige – et une narration lyophilisée, le spectateur s’interroge alors sur son rapport (actif ou passif ?) au médium. De ce fait, il n’est plus spectateur, mais joueur. Et lorsque le récit bascule dans une forme de rébellion sous-jacente jusqu’à aboutir à une conclusion volontairement ouverte, Kurzel laisse ainsi le spectateur libre d’assimiler à sa guise le dilemme moral sur lequel toute l’intrigue avait basé ses fondations : la « désobéissance » est-elle une dissidence salvatrice ou une menace pour la paix ? Comme façon d’impliquer le public dans un processus où son rapport à l’avatar (enjeu n°1 d’un jeu vidéo) est remplacé par son rapport aux choix d’un personnage plus ou moins avatar lui-même (enjeu n°1 d’un scénario de cinéma basé sur l’identification), difficile de trouver plus interactif que ça. Même lorsqu’il s’agissait de nous faire adopter – certes un peu trop souvent – le point de vue subjectif d’un aigle flottant au sein des décors visités, le trouble suscité restait le même : si le protagoniste investit un univers qui n’est pas le sien pour y retrouver son indépendance, ma position de spectateur n’est-elle pas en même temps celle d’un joueur qui, à travers lui, tente d’y trouver sa propre logique ? Malin, le Kurzel. Vraiment malin.
Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteurVoici donc l'énorme production de cette fin d'année 2016, dans laquelle les studios hollywoodiens fondent d'énormes espoirs, notamment en terme de naissance d'une franchise. Une énorme déception, dans laquelle rien ne fonctionne à part quelques effets spéciaux, basée pourtant sur un jeu vidéo culte et un principe assez intrigant : retrouver un objet dans le présent grâce aux souvenirs du dernier descendant de ceux qui l'ont caché. Mais qu'est ce qui cloche donc dans tout cela ?
D'abord le casting international (américain, français et espagnol), chacun n'ayant droit qu'à quelques lignes de texte et quelques rares traits de caractère. Ensuite le scénario, aux abonnés absents, le résumé suffisant à décrire quasiment l'intégralité d'un film qui fait pourtant pouvait ouvrir sur une infinité de mondes. Ensuite le prétexte, sensé donner de la profondeur à toute cela, superficielle réflexion sur le libre arbitre, histoire de donner le change et de faire croire qu'il y a ici autre chose, au delà des scènes de poursuite à Grenade, de sauvetage lors d'un bûcher, ou de baston dans le passé.
Si le principe de dépeindre le moyen âge, grâce à des images alternant pénombre et fumée, serait plutôt à louer, et si les effets de transition entre le présent (la salle d'expérimentation et la machine sur laquelle est branché Michael Fassbender) et ses actions dans le passé, sont assez réussis, la succession linéaire de ces incursions dans le temps fait l'effet d'une énorme dose d'anesthésiant. Et les tressaillements de douleur de Fassbender, les ambivalences de Marion Cotillard ou les apparitions furtives de Denis Menochet, ne sortiront jamais le spectateur de sa torpeur. On appelle cela un film d'action ?
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur