ROOM 514
Justice triomphera !
Pour son premier long métrage, Sharon Bar-Ziv a décidé de s’intéresser au conflit israélo-palestinien comme bon nombre de ses homologues. Mais il a pris le parti de refuser les grands espaces et les scènes de violence, pour se focaliser dans une salle d’interrogatoire, la fameuse "Room 514". Dans une ambiance anxiogène, la caméra suit le parcours d’Anna, jeune idéaliste, qui se retrouve à enquêter sur un officier de l’armée israélienne accusé d’exactions. Et rien n’empêchera ce petit bout de femme de mener sa quête de justice au milieu de cet univers testostéroné, pas même les mises en garde des autres soldats.
Drame claustro à la tension palpable, ce quasi huis-clos nous plonge au cœur de la poudrière que représentent les territoires occupés. Le réalisateur capte alors les êtres au plus près des corps, mettant en scène une parade entre cette enquêtrice déterminée et les soldats confrontés à son courroux. Par de magnifiques plans-séquences, et une très grande précision dans le cadrage, avec une utilisation judicieuse de l’hors-champ, la salle d’interrogatoire devient le miroir de la société israélienne, où les valeurs morales sont en lutte permanente avec la réalité du terrain. Par des dialogues aiguisés et des répliques sanglantes, les contradictions de ce conflit sans fin sont pointées avec justesse et sans aucun manichéisme.
Portrait subtil d’une femme en territoire masculin, ce film offre à l’actrice Asia Naifeld la possibilité de démontrer tout son talent. Portant le film sur son épaule, elle fait étalage d’une incroyable palette d’émotion, son regard sombre étant tout aussi parlant que ses différentes tirades. Néanmoins, si le scénario offre de belles joutes verbales et rhétoriques, la tension sexuelle qui se développe au fil des minutes est quant à elle moins maîtrisée. Maladroitement, le réalisateur utilise le sexe pour insister sur l’ambiguïté des personnages, alors que le film n’est jamais aussi meilleur que lorsqu’il laisse le spectateur dans l’incertitude, dans les silences pesants et les non-dits.
On ne peut ainsi que regretter que le metteur en scène ne soit pas allé au bout du huis-clos, les éléments extérieurs rendant l’ensemble bancal, et faisant redescendre la tension dramatique. Toutefois, le néo-réalisateur réussit parfaitement son coup d’essai, prenant une direction salvatrice pour traiter d’un conflit dont le cinéma s’est largement emparé. En refusant le spectaculaire et les explosions d’hémoglobine gratuites, il dresse, par surcroît, le portait habile et intime d’une jeune soldat dont l’idéalisme sera mis à l’épreuve des mots et des balles. Well done!
Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur