UNE FAMILLE BRESILIENNE
S'en sortir
Walter Salles est revenu cette année en compétition à Cannes, après le succès du bredouille « Carnets de voyage ». Il compose avec tact, et en duo avec une réalisatrice (Daniela Thomas), un quintuple portrait qui aura valu à Sandra Corveloni (la mère), un prix d'interprétation surprise. Tensions dans la fratrie, promiscuité et pauvreté sont les fondements de cette histoire, dans laquelle chacun tente, avec difficultés, de prendre en main son destin. En fonds, de nombreuses problématiques sont esquissées (banditisme, gangs, corruption, racisme...) mais suffisent à créer le malaise, et à faire monter progressivement une tension autour de ces personnages de bonne volonté, dont les arrangements (vols, trafics de cartes d'identité, dessous de table...) paraissent presque légitimes.
« Linah de Passe » est donc un film cousu d'espoirs, déçus ou non, que Salles a construit brillamment, alternant entre les problèmes d'adultes responsables (ceux de la mère, virée à cause de sa grossesse) et ceux d'adolescents pas forcément conscients de leurs actes. Mais il a aussi su mettre en évidence des différences sociales sources de frustrations infinies et potentiellement sources de conflits. La soirée que passe l'apprenti footballer chez ses amis riche, est un modèle de contrastes. Filmé en ombres chinoises, il est le seul que l'image réussit à capter au milieu d'un dancefloor improvisé. Puis, son arrivée dans la cuisine, et sa main qui frôle un frigo impeccable, en disent suffisamment long.
Jouant des fausses joies et des humiliations (la scène de la chaise roulante), le réalisateur brésilien arrive naturellement à une fin plurielle et bouleversante, dont les conclusions ne sont pas si nettes, le hors champs prenant alors une importance particulière. Un film simplement magnifique, qui donne envie de s'intéresser au destin des autres et surtout lors des coups durs, d'aller de l'avant.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur