Festival Que du feu 2024 encart

AGNUS DEI

Un film de Lucía Cedrón

Un film simple et pur d’émotions contenues

En 2002, en pleine crise économique argentine, Arturo, un vétérinaire de 77 ans, est enlevé à Buenos Aires. Guillermina, sa petite-fille de 30 ans, est contactée par les ravisseurs. Pour faire face à la situation et obtenir la libération de son grand-père, elle est contrainte de faire appel à sa mère Teresa, fille d'Arturo. Celle-ci vit toujours en France où elle a dû s'exiler avec sa fillette en 1978, après la mort de son mari. Ce retour en Argentine, sous la contrainte des événements, pèse à Teresa en constante contradiction avec sa terre natale. Alors que mère et fille cherchent l'argent nécessaire au paiement de la rançon, des faits tragiques survenus dans le passé trouvent, peu à peu, un écho dans le présent...

On pourrait penser avoir affaire à un film politique, où les situations individuelles seraient prétextes à dépeindre la situation de crise en Argentine. Il n’en est rien. Le contexte politique n’est que la toile de fond sur laquelle se jouent les drames humains. Ce film est le premier de sa réalisatrice, Lucia Cedron, et la valeur de ce film provient essentiellement de ce que cette histoire est en grande partie la sienne. Je me souviens d’une interview à la télévision où elle expliquait que si elle a fait ce film, ce n’est pas parce qu’elle en avait les moyens, c’est simplement que si elle ne tournait pas ce film, elle mourrait... Il est rare d’entendre de la part d’un cinéaste (à l’heure actuelle j’entends) des mots aussi implacables à propos du besoin « viscéral » de faire du cinéma, alors qu’on a souvent l’impression que pour beaucoup de films, l’enjeu est uniquement de distraire et de faire des entrées...

Tout au long du film, on ressent une sincérité omniprésente, autant dans le jeu des acteurs que dans le déroulement de l’histoire. Celle-ci aurait pu sembler complexe car on navigue constamment entre deux périodes, mais les nombreux flashbacks se déroulent dans la plus grande fluidité et rendent le récit extrêmement limpide. On pourra remarquer que certaines de ces transitions sont très soignées sur le plan technique car elles se produisent dans le même plan : sans coupe, c’est le mouvement ininterrompu de la caméra qui assure le basculement entre les deux temps du récit. Peut-être est-ce un moyen habile de montrer que le passé est omniprésent : pas seulement dans le souvenir mais aussi dans les répercussions qu’il a dans le présent.

La musique est très discrète et ponctue le récit sans jamais être envahissante. D’ailleurs la véritable musique que l’on retiendra de ce film n’est pas la B.O, c’est celle que l’on entend dans ce qui est probablement la scène-clé du film : un père et sa fille de six ans font la cuisine en fredonnant une chanson. Sur le papier, ça n’a l’air de rien. Mais voyez cette scène au cinéma et vous comprendrez pourquoi je pense qu’elle peut résumer le film à elle-seule... En sortant de la projection, la première chose que j’ai vue, c’est une spectatrice s’asseoir dans le hall du cinéma et essuyer une larme sur sa joue. Et bien, ce film est à l’image de ce geste : simple et pur d’émotions contenues. Malheureusement la programmation d’ « Agnus Dei » la première semaine de sa sortie à Lyon se fera sur une seule salle. Souhaitons alors que le bouche à oreille fonctionne pour ce film qui mérite tant d’être vu !

Rémi GeoffroyEnvoyer un message au rédacteur

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