MOLIÈRE
Quand la plume chatouille bien
A 22 ans, Molière n’avait encore écrit que des tragédies dans lesquelles il était un piètre acteur. Criblé de dettes il fut emprisonné par ses créanciers. Un bourgeois le tira alors d’affaire et lui proposa un contrat bien singulier…
On craignait que le "Molière" de Laurent Tirard ("Mensonges et trahison") ne soit qu'un nouveau film historique, hésitant entre biopic et reconstitution clinquante. Et on envisageait avec effroi une comparaison inévitable avec l'oeuvre fleuve d'Ariane Mnouchkine. Il n'en est finalement rien. D'abord parce que ce "Molière" 2007 est un récit imaginaire de deux années de la vie de l'écrivain restées dans l'ombre de l'Histoire. Ensuite parce que l'écriture co-signée Laurent Tirard et Grégoire Vigneron y est tout simplement brillante, entraînant dans un tourbillon de bons mots, les plus récalcitrants.
On se délecte ainsi des références multiples aux quatre principales pièces de Molière, que ce séjour chez un parvenu dénommé Monsieur Jourdain est sensé avoir inspirées. Et on est touché par l'histoire d'amour qui se dégage peu à peu de cette farandole de personnages aussi drolatiques que certaines des saillies dont ils font preuve. L'esprit du maître souffle sans conteste sur un scénario qui se permet de plus d'intelligences références à l'actualité économique et à ses rapports tendus avec la création.
Devant la caméra, les acteurs s'amusent comme rarement, sans jamais trop en faire. Luchini se pare d'un ridicule dont la dignité sera le seul fond. Edouard Baer compose un noble manipulateur, outré par le concept même de travail. Et Laura Morante rayonne d'une grâce qui n'a d'égale que sa fierté et sa droiture. Enfin Romain Duris, dans le rôle titre, n'est plus à louer, tantôt cabotin, tantôt emporté par ses élans créateurs d'une multitude de visages.
Tous servent à merveille un script efficace, qui malheureusement éclipse sur la fin, les extraits des vrais pièces de Molière, qui en étant fortement surjouées, ne paraissent pas si drôles que cela. C'est là le seul défaut d'un film de bout en bout délicieux. Vous en reprendrez bien quelques vers...
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur