JAYNE MANSFIELD'S CAR
On dirait le sud
Billy Bob Thornton revient, en tant que réalisateur mais aussi interprète, plus de quinze ans après son remarqué « Sling blade » et dix ans après la tiède adaptation de « De si jolis chevaux ». Il s’attelle cette fois-ci à son propre matériel avec un scénario qui lui est fortement personnel. Traitant des conséquences de différentes guerres (les première et seconde guerres mondiales, Corée, Vietnam…) sur une famille éclatée, il s'attache aussi à décrire l'incapacité de communiquer de la part d'hommes aux principes bien arrêtés.
Malheureusement, ses personnages, réunis à l'occasion des funérailles de la mère de famille - celle-ci ayant souhaité être enterrée dans son sud d'origine -, sont dans l'ensemble tellement irritants qu'on a l'impression d'assister à une désagréable réunion de famille. C'est ce qui fait à la fois la réussite et les limites de ce film choral qui en agacera plus d'un. Ici les hommes sont de vrais gars, on l'aura bien compris, comme si ceux-ci n'existaient plus aujourd'hui. S'ils se réfugient derrière leurs principes pour mieux cacher leurs blessures, ils rivalisent tellement de démonstrations viriles, arborant fièrement leurs faits de guerre et autres décorations, que leur aveuglement finit par épuiser le spectateur le plus alerte.
Quasiment impénétrables dans leurs raisonnements bornés, ou leurs idéologies, ils font le malheur des plus jeunes, voués eux aussi à prendre une relève armée tenant de la malédiction. Le mépris pour qui n'auraient été « que » prisonniers fait place à celui de ceux qui n'ont tué personne, ou pire ont été blessés. Dans le fond, malgré une troupe d'acteurs hors pairs (Duvall, Hurt, Patrick), aucun ne déclenche l’empathie, étant aussi irritants les uns que les autres. Créant progressivement une ambiance étouffante qui rend le film difficilement supportable sur la longueur, Billy Bob Thornton s'est finalement gardé le seul rôle capable de sortir le spectateur de sa torpeur. Il réussit en effet à toucher, notamment lors d'une scène en forêt où il révèle à une femme, mine de rien, le lourd secret qui fait qu’il se sent « à part » dans ce monde de brutes. Malheureusement, son film manque cruellement d'équilibre, préférant laisser libre cours aux rancœurs plutôt que de fonder les vraies bases d'une réconciliation entre générations et tendances politiques. Dommage.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur