SHIRLEY, UN VOYAGE DANS LA PEINTURE D'EDWARD HOPPER
Captivant exercice de style
Tout est soigné jusque dans le moindre détail au service d'un objectif pleinement atteint : l'immersion dans l'univers d'Edward Hopper. Le décor minutieusement reconstitué, les bruitages de la ville qui restera toujours hors champ, la bande son passant du jazz à la musique contemporaine, et surtout, la lumière, tout concorde à rendre un vibrant hommage au peintre américain. Les jeux d'ombre et de lumière, à travers la figure de la fenêtre, récurrente dans l'œuvre d'Hopper, font de ce film un brillant exercice de style.
Dans chaque scène, Gustav Deutsch s'amuse à imaginer l'avant et l'après des tableaux d'Hopper. Les personnages du peintre semblent toujours être dans une même attitude, une sorte de mélange entre attente, ennui et passivité. Le danger d'amener à la vie treize tableaux aurait été la répétition et donc l'ennui du spectateur. C'est là que le cinéaste réussit un tour de force : imprégnant chaque scène d'une lenteur lancinante, il parvient à rendre chaque tableau unique et inattendu. Tour à tour nostalgique, humoristique, philosophique, évoquant le doute, la sensualité ou l'espoir, chaque tableau devient une expérience à part entière.
L'actrice principale, Stephanie Cumming, qui est d'ailleurs danseuse et chorégraphe et dont c'est le premier rôle au cinéma, y est pour beaucoup, se donnant corps et âme entre pudique délicatesse et charme envoûtant. Dans ce qui aurait pu rester une série de scènes contemplatives, le contexte historique n'est pas oublié. De la Seconde Guerre Mondiale à la chasse aux sorcière du maccarthysme en passant par la lutte de Martin Luther King, les grands événements de l'Histoire sont présents en arrière plan pour refléter au mieux l'ambiance du milieu du XXe siècle et renforcer la véracité du procédé. Que vous aimiez ou non la peinture d'Edward Hopper, ce film est avant tout une véritable expérience de cinéma, sensorielle, captivante et unique.
Rémi GeoffroyEnvoyer un message au rédacteur