JE L'AIMAIS
Choisir l'amour ou l'habitude de peur de blesser
Si le roman d'Anna Gavalda ne fait pas l'hunanimité c'est qu'il gratte là où ça fait mal. A-t-on le droit de blesser l'autre, celui ou celle qu'on a aimé, mais qu'on aime plus, de partir vivre autre chose avec quelqu'un qui a fait irruption plus tard dans sa vie ? A-t-on le droit, malgré les promesses liées au mariage, de s'être trompé, et de l'admettre, qu'elles qu'en soient les conséquences ?
Si le roman d'Anna Gavalda touche autant c'est qu'il soulève d'autres questions que ceux qui ont été dans la position de l'amant ou de l'amante connaissent bien. Doit-on continuer à être présent pour quelqu'un qui ne vous fait pas passer en premier ? N'est-il pas légitime de refuser d'être mal aimé ? Tout autant d'aspects d'une même histoire, certes ultra rabachée, mais rarement avec autant d'aquité et de sensibilité.
Il était donc d'autant plus difficile pour Zabou Breitman (« Se souvenir des belles choses », « L'homme de sa vie », de livrer une adapatation fidèle d'un livre dans lequel la majeure partie du récit consistait en un dialogue houleux entre un homme et sa belle fille, au long d'une nuit qui oscillera entre doute et progressive compréhension. Exit donc ici le huis clos, le scénario adoptant rapidement une certaine linéarité, au travers de longs flash-back chronologiques sur l'idylle de l'homme.
Malheureusement, en collant parfois au texte de la romancière, Zabou n'évite pas certains écueils, comme des dialogues trop appuyés et explicites dans des scènes intimes qui ne l'exigeaient pas. Mais cela donne aussi les scènes les plus émouvantes du film, minimalistes dans leur mise en scène, comme celle où Marie Josée Croze (lumineuse de fragilité progressive) édicte les règles du pacte, où lorsqu'Auteuil (crédible en amoureux qui s'est auto-puni) entame son histoire, le regard perdu au coin du feu.
Bien sûr, on croit à leur complicité, mais aussi à leurs solitudes, est c'est là l'une des grandes forces du film. Mais certains passages du roman ont tout de même perdu de leur puissance émotionnelle à force de retenue. C'est le cas de la sublime scène où la belle écrit une lettre, longue et déchirante liste de toutes les choses qu'elle aurait voulu faire avec lui, qu'elle aime. Plutôt courte, et filmée avec pudeur de dos, elle n'est pas à la hauteur du livre. Tout comme la perturbante scène de retrouvaille dans le parc, triste mais non déchirante, qui achève de nous convaincre, que malgré les qualités de « Je l'aimais », et après le ratage de « Ensemble c'est tout », l'univers d'Anna Gavalda reste bien difficile à retranscrire au cinéma.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur