CENDRILLON AU FAR WEST
Trop de détail tue le détail
Certainement captivés par la découverte d'un livre regroupant des centaines de versions différentes du conte de Cendrillon, Pascal Hérold ("La véritable histoire du chat botté") et ses scénaristes se sont fendu de leur propre version. Et ils y ont mêlé allégrement une Cendrillon rebelle biche, ayant perdu non pas un soulier mais une dent, une comtesse russe pintade et un vilain pirate singe au bateau échoué en plein désert et répondant comme par hasard au doux nom de Barbazul (barbe bleu pour ceux qui n'auraient pas compris).
Ce qui apparaît vite comme un fatras d'histoires différentes se focalise étrangement sur des questions d'argent, joué au poker, volé ou prenant la forme d'une dote. Et les petits pourraient bien se perdre face à la quantité de personnages secondaires plus ou moins développés. Quant aux plus grands, il s'agaceront du manichéisme ambiant, et notamment du portrait de la famille de la belle-mère, une chienne qui parle comme un charretier.
Ajoutez à cela des dialogues affligeants (les fameux proverbes déformés du Chamane qui ne feront pas rire les adultes, et encore moins les enfants...), des personnages ou scènes pas drôles (le Chamane qui fait apparaître des dindes, les pitreries sur scène des deux sœurs capables uniquement de chanter faux...) et les voix reconnaissables des doubleurs (De Caunes agace par la fausse et méprisante désinvolture de son personnage, Yolande Moreau est ordurière à l'excès...) et vous aurez une idée de l'ampleur du désastre.
Si l'on saluera cependant l'intention volontaire de s'éloigner des formats actuels et lisses de l'animation 3D ou non, Hérold s'étant inspiré des codes du théâtre et du baroque, on sera surpris par l'esthétique pauvre de l'ensemble. Car le travail minutieux d'animation pour donner à chacun de ces animaux un aspect réaliste (voir les détails des visages et poils des chiens ou de la biche...) est complètement anéanti par leur absence quasi totale d'expression, et par le choix discutable d'affubler les pauvres animaux de costumes moulants voire trop courts. D'autant que le contraste volontairement appuyé entre les corps des "méchants" plutôt disproportionnés (à l'image des deux chiens vigiles à l'entrée du saloon, ou des deux sœurs qui se croient irrésistibles) et les formes généreuses et aguichantes de Cendrillon (jeans moulant et croupe chaloupée...) finissent de rendre l'ensemble caricatural. Dommage.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur