Festival Que du feu 2024 encart

QUEEN OF EARTH

« Viens à la maison, y’a le printemps qui chante ! »

Catherine a toujours connu des sautes d’humeur, mais cette-fois, elle semble être au plus bas. Son amie d’enfance l’invite alors à venir se ressourcer dans la maison de campagne de ses parents. Sauf que cette petite escapade bucolique ne va pas améliorer l’état de santé de Catherine, bien au contraire…

Alex Ross Perry est tout doucement en train de s’affirmer comme l’un des fers de lance du normcore, ces petits films américains indés fauchés et très bavards. Avec "The Color Wheel" et "Listen up Philip", le cinéaste avait démontré son goût pour les bons mots et les joutes verbales aiguisées. Sauf que cette fois-ci, le réalisateur a choisi de s’éloigner de la ville, préférant le décor d’une maison de campagne nichée au bord d’un lac plutôt que les buildings de Manhattan. Et ce cadre bucolique n’est pas le seul changement, l’atmosphère du métrage lorgnant bien plus du côté des films d’horreur et du drame psychologique que de la comédie intellectuelle.

Catherine n’arrive pas à se remettre d’une rupture amoureuse. Alors elle accepte l’invitation de son amie à venir se ressourcer au plus près de la nature. Mais progressivement, l’incompréhension et la psychose s’installent entre les deux jeunes filles. Car le film raconte moins les difficultés d’une femme à reprendre le dessus sur sa vie qu’une amitié déçue, effritée depuis de nombreuses années. Dans ce quasi huis-clos à l’inspiration bergmanienne, le spectateur est alors témoin des tumultes relationnels entre deux êtres qui ne semblent plus rien à voir en commun. L’occasion pour les deux comédiennes, Elisabeth Moss et Katherine Waterston, de briller.

Plus bouleversant que drôle, ce thriller bénéficie d’un scénario fin et surprenant, plaçant ses personnages en permanence sur une corde raide où la rupture semble inévitable. Ascenseur émotionnel, le film est une plongée mentale aussi subtile que brutale au cœur d’une amitié dysfonctionnelle, une réflexion sur la place de chacun dans notre monde, et une œuvre transcendant ses références pour les amener vers de nouveaux horizons. Se focalisant uniquement sur ces deux protagonistes, le montage efficace, mêlant passé et présent, offre une expérience enivrante qui ne cesse d’interroger. Avec ses qualités plastiques et sa mise en scène impeccable, "Queen of Earth" fait partie de ces petits films qui ont indéniablement leur place dans la cour des grands.

Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur

Laisser un commentaire