ANTIGANG
Beaufs de France !
Le polar hexagonal n’a rien d’un genre apparu récemment par effet de mode ou par désir d’ouvrir le cinéma français vers de nouveaux horizons, c’est carrément une institution ! Mais depuis que Corneau et Melville ne sont plus là pour élever le niveau, d’autres cinéastes se sont visiblement mis en tête de prendre la relève en allant picorer là où notre industrie n’a pas l’habitude de traîner ses pattes. D’un côté, l’ancien flic Olivier Marchal ("36 Quai des Orfèvres") s’empare du genre pour le débarrasser de son emballage télévisuel tout en rendant de brillants hommages aux grands cinéastes d’antan, et de l’autre, un grand nombre de petits jeunes, inconnus au bataillon ou tâcherons des usines EuropaCorp, optent pour un revival du cinoche d’action pure et bourrine, sans pour autant être capable de digérer correctement leurs influences. Dans le cas d’"Antigang", c’est hélas la seconde option qui prime.
De la part de Benjamin Rocher, on ne s’attendait à rien sinon à un gros morceau de pellicule énervée, ne serait-ce qu’en ayant en tête les scènes les plus enragées de "La Horde" (mais bon, maintenant, on croirait presque que c’est son coréalisateur Yannick Dahan qui avait fait tout le boulot) ou le mixage comédie/horreur qui rendait très sympathique le double programme "Goal of the Dead". La bande-annonce, très bourrine et orientée badass, était riche de promesses. Lesquelles auront vite de se dissoudre dès l’introduction, où se déroule une interpellation musclée à grands renforts de flingues, de poings et de battes de base-ball. La scène pourrait être brutale et marrante, elle est juste molle et ennuyeuse. Les dialogues pourraient être bien écrits, ils ne le sont pas, enquillant des lourdeurs à deux balles dans chaque échange (pourquoi cette référence bidon à "Avatar" ou ce clin d’œil de Jean Reno à son pote Johnny Hallyday ?). Les personnages pourraient être intéressants et touchants, ils sont juste mal écrits quand ils n’adoptent pas le comportement de beaufs aux réflexions franchement débiles.
Le pire dans tout ça, c’est qu’on ne sait pas très bien comment réagir devant "Antigang". On sent bien le désir chez Benjamin Rocher de hausser le niveau d’action bourrine le temps d’un gunfight en ville à la "Heat", mais le manque d’énergie dont le cinéaste fait preuve dans son montage et son rythme ne jouent pas en sa faveur. On sent l’envie de caractériser à nouveau Jean Reno dans un rôle de gros dur tel qu’il pouvait l’incarner il y a de nombreuses années chez Luc Besson, mais cela fait déjà trop longtemps que l’acteur de "Léon" semble avoir définitivement abandonné l’idée de « jouer un rôle » (son visage et son jeu n’expriment aujourd’hui plus rien). On sent l’envie de ne pas lésiner sur la violence mal élevée et les personnages too much (Alban Lenoir compose ici un flic casse-cou assez marrant), mais cela fait bien longtemps que Jan Kounen a atteint un zénith dans ce registre-là avec "Dobermann". Bref, on sent plein d’idées et d’envies, mais elles restent à l’état d’intentions, ici jamais concrétisées, pour notre plus grande détresse.
Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur