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FOUR STATIONS

Un film de Boonsong Nakphoo

La douceur du crépuscule

Dans quatre régions de Thaïlande, quatre communautés vaquent à leurs occupations : une famille ayant récemment accueilli dans ses rangs un neveu orphelin, des moines bouddhistes, un couple de birmans clandestins, deux familles voisines. Ils ne le savent pas encore, mais leur vie est sur le point de changer…

Récit imbriqué de plusieurs tranches de vie, reliées chacune par une voie ferrée soulignant la distance qui les sépare, "Four Stations" dresse un portrait de la Thaïlande rurale d’aujourd’hui. Partant des valeurs profondes qui fondent l’identité de son pays (la religion, la famille, la solidarité immuable qui lie les hommes), le cinéaste Boonsong Nakphoo montre comment celles-ci ont tendance à se craqueler au contact des réalités : désengagement religieux des jeunes générations, pauvreté qui envenime les relations humaines et amoureuses, répression de l’immigration.

Mais outre cette lecture sociétale du film, c’est tout l’univers construit autour de chacune des communautés qui constitue le principal intérêt du film. Le récit, délivré par bribes, peut au départ perturber, mais l’on finit vite par s’attacher à tous ces destins isolés : ce vieux moine qui sent la fin approcher et s’efforce de contempler pleinement le monde, ce couple d’amoureux qu’un problème de papier maintient séparé, cet enfant lunaire qui s’abandonne à la vacuité de son jeune âge au contact d’un buffle…

Posant un regard bienveillant sur tous ses personnages, le cinéaste ne porte aucun jugement, préférant se concentrer sur les sentiments (généralement étouffés) que sur les actes. Aussi, à l’indignation provoquée par certaines situations (celle du couple maudit par exemple) succède parfois une certaine émotion, qui frappe sans prévenir et plonge dans un état second. La beauté des images et la pudeur dont fait preuve le cinéaste envers ses personnages y sont clairement pour quelque chose.

Malgré son statut de premier film, "Four Stations" témoigne d’une impressionnante maturité. Jouant avec intelligence sur les ellipses et les non-dits, il évoque les sujets graves que sont la perte et la douleur avec beaucoup de délicatesse, sans pour autant tomber dans la caricature. Un joli film poétique, récompensé par le prix du Jury lors du festival du film asiatique de Deauville en 2013.

Sylvia GrandgirardEnvoyer un message au rédacteur

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