LES ESTIVANTS
A livre ouvert ?
Dans une grande propriété de la Côte d’Azur, Anna, récemment séparée, débarque avec sa fille pour les vacances, retrouvant sa famille, des amis, mais aussi leurs employés. Attelée à l’écriture de son nouveau film, les difficultés s’accumulent…
Depuis son tout premier film de réalisatrice ("Il est plus facile pour un chameau..."), l'actrice Valeria Bruni Tedeschi a pris l'habitude de livrer un peu d'elle même, au travers de scénarios qui impliquent souvent ses proches. Se donnant le premier rôle, demandant à sa mère de jouer le rôle... de sa mère, elle parle avec un délicieux second degré d'elle-même, des drames ou joies qui font la vie, mais aussi de sa condition d'artiste et de femme. Dans son film "Un château en Italie", sorti en 2013, elle évoquait la douloureuse disparition de son frère. Dans son nouveau film, "Les estivants", elle aborde avec pudeur la question de la séparation (elle qui l'a justement connue) et séduit à nouveau. Et elle demande aussi au passage à sa fille, de jouer cette fois-ci... sa fille.
Pas étonnant donc que l'on ne puisse s'empêcher de reconnaître certains de ses proches dans les autres personnages du film. On tentera tout au moins d'en deviner les traits qu'elle a bien voulu grossir, histoire de rajouter à l’humour du métrage, ou peut-être de régler quelques comptes. On s’amusera donc de la présentation des personnages et de leur intérêts divergents (l’argent, l’alcool, le célibat, le couple, la religion…), alors qu’en fond se dessine une critique des différences de richesses, les migrants se cachant en forêt « comme les sangliers », mettant « en péril l’écosystème ». Quand Riccardo Scamarcio évoque Louis Garrel, Arditi, lui, pourrait bien représenter un ancien président aux accents d’homme d’affaire (la scène de la piscine est un grand moment de mépris…).
D'une tonalité globalement triste, ce film pourtant résolument ensoleillé, sous couvert d'un certain cynisme, souligne les différences de classes, l'indifférence des bourgeois à la condition des servants, mais raconte aussi la difficulté à créer lorsque les coups durs de la vie vous accablent. Pour cela, la réalisatrice s’appuie sur un casting riche et parfaitement attribué, où Valeria elle-même, forme avec l'autre Valeria (Golino), un duo de sœurs des plus attachants. Naviguant toujours entre poésie, onirisme désabusé, et franchise des propos, elle accouche d’un troisième film dit d’auto-fiction, qui outre sa vocation à réparer les blessures, partagera aussi son spleen avec les spectateurs les plus attentifs et perméables à son style.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur