L'ART D'AIMER
Laissons Mouret faire
Si le titre du film fait référence à celui du livre d’Ovide, L’Art d’aimer, le film est un subtil mélange de romantisme, de jeux amoureux et de questionnements moraux. Dans ce marivaudage à l’écran, le réalisateur fait preuve d’une grande ingéniosité, donnant un charme à ces histoires qui pourraient être banales. Pour cela, il use de nombreux stratagèmes, tel que l’échange de partenaire sexuel entre les personnages de Judith Godrèche et Julie Depardieu dans une chambre d’hôtel plongée dans le noir.
On ne saurait expliciter les diverses trouvailles sans trop en dévoiler, car dans ce film ce sont les détails qui dirigent le récit. De quiproquos en hésitations, les rapports amoureux sont disséqués de façon ludique et originale. Emmanuel Mouret a gagné en maîtrise quant à sa réalisation, et au-delà de la construction « inégale » des chapitres, parfois déstabilisante, la direction d’acteur est extrêmement juste, les déplacements dans le cadre sont davantage construits. La tonalité générale ne pâtit pas du burlesque inhérent à la filmographie de Mouret, ni de son goût pour le décalage. Certes, ces caractéristiques font parties intégrales du style de l’artiste, mais la forme et le fond ont souvent été confondues, célébrant davantage le besoin de « se faire plaisir » du réalisateur, avant celui de faire plaisir au spectateur.
En somme, « L’Art d’aimer » se regarde moins le nombril, et résonnera en chacun de nous. Faut-il coller à l’ère du temps qui dicte nos envies les plus profondes ? La transgression permet-elle d’éviter les regrets ? La question du désir, plus ou moins liée à la relation amoureuse selon les personnages, offre des dialogues savoureux. Particulièrement dans l’histoire entre les figures de l’amant transi insatisfait et de la coquette girouette, interprétées par François Cluzet et Frédérique Bel. On se laisse prendre au jeu, à cette attente frustrante dans l’éveil des sens contre lequel le doute fait barrage. Un film agréable, fin et abouti, qui, sans être le film de l’année, permet d’affirmer qu’Emmanuel Mouret se bonifie avec le temps !
Camille ChignierEnvoyer un message au rédacteur