RENTRATOS EN UN MAR DE MENTIRAS
Dangereux retour aux sources
Grand sujet des films colombiens présentés cette année en masse aux Reflets ibériques de Villeurbanne 2011, l’exode est la principale conséquence de la Guerre Civile qui fait rage en Colombie depuis près de soixante ans. Plus de quatre millions de colombiens furent dépossédés de leurs terres et ces départs forcés ont forcément laissés quelques séquelles dans la vie colombienne. Le réalisateur Carlos Gaviria revient sur ces années sombres à travers le personnage de Marina, jeune femme traumatisée à vie par l’exil de sa famille.
Ce road trip en vieille R4 rouillée, de Bogota jusqu’au littoral de la Colombie, emporte deux personnalités que tout oppose. Jairo est vif, bavard, charmeur, rempli de joie de vivre et adopte toujours un œil positif sur les choses. Sa cousine est muette, au visage renfermé, et porte les marques d’une blessure encore vive. Faire la route avec elle ne l’enchante guère, mais il part récupérer les terres de son grand père, espérant en tirer un peu d’argent. À bord de sa vieille épave, Jairo va tenter de dérider sa cousine et lui donner envie de retrouver le goût à la vie. Mais à mesure qu’ils s’éloignent de la capitale, ils sont confrontés aux paramilitaires et se retrouvent entre deux feux : entre Guérilleros et AUC.
Cette première fiction de Carlos Graviria trouve donc son équilibre entre l’optimisme (presque) sans faille de Jairo et le traumatisme de Marina, les flashbacks nous faisant comprendre peu à peu les raisons de son état. Les prestations de Julian Roman et Paola Baldion sont, à ce titre, excellentes et constituent sans nul doute le principal intérêt du film. Paola Baldion utilise à la perfection la communication des corps pour son personnage réfugié dans un mutisme solennel. Mais au-delà du rapprochement de ces deux cousins, « Rentratos en un mar de mentiras » tend à rappeler à quel point la Guerre Civile a pu mettre à la rue des millions de paysans, ceci au travers d'une deuxième moitié bien plus violente et percutante que le début du film. On se rend finalement compte que Gaviria signe ici une œuvre à la mémoire de toutes les personnes dépossédées de leurs terres, errants à présent aux abords des grandes villes et ce, dans l’indifférence générale des colombiens.
Alexandre RomanazziEnvoyer un message au rédacteur