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PERRO MUERTO

Un film de Camilo Becerra

Un peu « dardennien » ou « loachien » sur les bords... mais seulement sur les bords

Alejandra est une mère adolescente qui élève seule son fils, Nicolás, dans la banlieue de Santiago du Chili. Depuis qu’elle s’est séparée de son compagnon, elle vit dans la maison de la grand-mère de ce dernier. Mais depuis que la vieille femme est décédée, son beau-père s’est mis en tête de vendre la maison et d’élever son petit-fils à la place d’Alejandra…

Le cinéma chilien est souvent le plus européen des cinémas latino-américains, preuve s’il en est de la relative proximité culturelle et sociologique (à défaut de proximité géographique) entre ce long pays du bout de la Terre et notre vieux continent – même si cela n’empêche évidemment pas ce pays et son cinéma de conserver aussi leurs propres caractéristiques. « Perro muerto » ne fait pas figure d’exception : il s’agit d’une vision de la société chilienne moderne qui semble lorgner du côté du cinéma social européen, l’histoire pouvant être en grande partie transposable dans nos contrées. Avec Camilo Becerra, qui signe ici son premier long métrage, le Chili a peut-être trouvé son Dardenne ou son Loach national. Mais ce pays en avait-il besoin ? Et surtout Becerra parviendra-t-il à se hisser au même niveau que ses illustres aînés européens ?

Becerra ne manque pas de talent pour la construction de ses personnages, tout en finesse, distillant ça et là les indices nécessaires pour que le spectateur comprenne à la fois leur histoire et leur personnalité. L’incarnation de ces protagonistes est en outre de très bonne facture, notamment de la part de la jeune Rocío Monasterio, qui livre une performance subtile et touchante, servie par un dialogue dépourvu de répliques superflues. C’est d’ailleurs ce personnage en errance, quasi solitaire et avare de paroles, qui rapproche le plus ce film de ceux des frères Dardenne. Comme eux, Becerra a aussi tendance à montrer des tranches de vie du personnage, avec un montage qui ne connecte pas toujours de façon explicite toutes les séquences. Sauf qu'ici les choix des séquences sont inégaux, avec un enchaînement parfois fastidieux et des passages vraiment ennuyeux. Comme le font généralement les frères belges, le réalisateur chilien a également choisi une fin plutôt abrupte, quitte à troubler le spectateur (ou, selon le perçu de chacun, à faire jouer son imaginaire). Une fin peut-être trop ouverte, mais qui a le mérite d’apporter une petite lueur d’espoir.

Le style, en revanche, laisse moins de place à l'apparence quasi-documentaire du cinéma des Dardenne. C’est d’ailleurs du côté esthétique que Becerra a le plus de progrès à faire. Non pas parce que le film est visuellement désagréable mais plutôt parce qu’il manque d’homogénéité formelle. En effet, le film n’est pas dépourvu de belles séquences – même de plans magnifiques -, toutefois, certains plans, notamment ceux tournés en extérieurs, ont un aspect un peu trop pâle, voire fade, qui donne l’impression d’avoir été tournés avec une caméra amateur (ce qui produit néanmoins un aspect « documentaire » intéressant mais pas forcément pour les séquences qui l’auraient mérité). Cette insuffisante cohérence de l’image est-elle due à un mauvais étalonnage ou à une variété de matériel de tournage ? Quelle que soit l’explication cela confère au film une impression de non abouti, et c’est d’ailleurs, malheureusement, le goût qui reste à la fin.

Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur

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