EL NINO PEZ
Une romance sombre, sobre et intense
Malgré un rythme assez inégal, son premier film était déjà un monument de sensibilité et de pudeur évitant le sensationnalisme du thème de l'hermaphrodisme. Un an et demi après le troublant "XXY", Lucia Puenzo confirme avec brio son immense talent de cinéaste qui filme des sujets particulièrement délicats à mettre en scène.
"El Niño Pez" est l'adaptation de son propre roman qu'elle a écrit à l'age de dix ans. Si le livre relate cette romance du point de vue du chien de la famille, Lucia Puenzo choisit, pour son adaptation cinématographique, une narration qui rappelle celle de "Boy A". Et grand bien lui en a pris. La réalisatrice évite de réitérer les erreurs passées grâce à un habile montage déconstruit et entrecoupé de séquences d'action et de souvenirs qui expliquent, ou tout du moins, donnent une pièce de plus à assembler à cet intriguant puzzle. Les causes sont ainsi distillées dans les conséquences de ce drame avec la maîtrise d'un métronome. Le rythme est parfait, l'ennui inexistant.
Ajoutons à cela, une mise en scène minimaliste posant encore une fois cette magnifique pudeur qui caractérise la réalisatrice; une ambiance sombre subtilement amenée à l'aide d'une magnifique photographie et d'une musique de fond absolument envoûtante. Puenzo s'impose en virtuose et met tout en oeuvre pour tendre la main au spectateur et le faire entrer dans ce drame sur fond d'onirisme. Car l'un des éléments récurrents du film est cette fameuse légende du petit poisson du lac Ypoà que Lala aime tant entendre de la bouche de Guayi et qui révélera une fin magnifique, entre macabre et poésie.
Enfin, toute la beauté de ce long-métrage n'aurait certainement pas la même ampleur si la direction des acteurs n'avait pas été aussi travaillée. Les jeux des deux actrices se mêlent dans une intense alchimie, parfaite pour cette romance entre Guayi, à l'aise avec son corps et trempée d'un caractère revanchard, et Lala, aux allures beaucoup plus fragiles mais portée par l'amour passionnel qu'elle ressent pour cette petite domestique. Dans son interprétation à la fois touchante et passionnée, Inés Efron affirme, une nouvelle fois, son immense talent.
Pour cette adaptation, Lucia Puenzo témoigne donc d'un étonnant recul sur son œuvre originale, la rend plus noire et profonde, signe d'une grande maturité. Du très grand Cinéma…
Alexandre RomanazziEnvoyer un message au rédacteur