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LA MEMORIA DEL AGUA

Un film de Matías Bize

Mille manières de vivre le deuil

Javi voit sa femme désireuse de prendre du recul et de partir. Ne comprenant pas ce qui se passe, il n’aura de cesse de faire des gestes envers elle…

Présenté aux Journées des auteurs du Festival de Venise 2015, « La memoria del agua » est un petit film chilien tout en finesse qui évoque d'ellipse en ellipse l'enfant qu'un couple a perdu et la difficulté de chacun des parents à se reconstruire et à faire face à la tristesse qui remplit tout. Loin de donner dans le pathos, le film saisit ces moments de désarroi qui vous assaillent, la lueur d'espoir dans les yeux de cet homme désireux de sauvegarder son couple, et le désespoir de cette femme, aux agissements un temps égoïstes.

Car la force du film est justement d'opposer le comportement d'une mère fuyante, désireuse en apparence de passer à autre chose, et celui d'un père déboussolé qui se raccroche à un espoir de couple et d'amour persistant. Les dialogues, peu présents au début, s'en font d'ailleurs l'intelligent écho, entre un « si on est heureux c'est comme s'il n'avait jamais existé » et un « ne me l'enlève pas à nouveau » qui s'opposent à un « tu l'as déjà perdu ».

Avec tact, Matias Bize explore les manières de vivre, la perte et l'absence, et derrière les apparences d'un déséquilibre dans sa gestion du deuil, ce n'est peut-être pas celui que l'on croit qui prône l'oubli du drame. Captant la détresse, la subsistance de l'élan, l'auteur réussit à toucher, grâce à deux interprètes dont le face-à-face oscille entre complicité et torpeur, mais aussi par des scènes porteuses d'abandon.

Ainsi, la scène du don du chien à un paysan offre une ouverture étonnement irrespirable avec ses panoramiques sur des champs, alors que les gros plans sur des détails (une main, un visage...) redonnent un semblant d'intimité à un couple désireux de clore sa propre histoire. Une réussite autant esthétique que sensible.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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