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INVASOR

Un film de Daniel Calparsoro

Se regarder en face

Deux Espagnols, un capitaine et l'un de ses hommes, envoyés en Irak pour une mission humanitaire, ont survécu à l'explosion d'une mine. Alors que sa mémoire revient progressivement, Pablo doit aussi faire face à la pression insistante d'un homme envoyé par l'armée, lui demandant de signer un accord de confidentialité...

« Invasor », adaptation ambitieuse du roman de Fernando Marias, paru en 2004, s'ouvre sur une tentative de sauvetage de civils blessés. Intelligemment, Daniel Calparsoro montre au passage le refus des Irakiens de se voir « aidés » par des étrangers, dont les troupes sont venues ici faire la guerre. Le geste d'un médecin local, qui leur demande de sortir de l'hôpital, est à ce titre significatif, donnant un contrepoint intéressant à l'implication personnelle de ces hommes, et rappelant qu'ils sont avant tout des militaires.

Le film rappelle ainsi d'emblée qu'il est peut-être trop facile de chercher à s'excuser des méfaits de guerre et notamment des dommages collatéraux, quand on est allié à l'agresseur... ou l'envahisseur. Tout dépend donc du point de vue. Et le récit, une fois l'accident passé, se construit ensuite en flash-backs successifs, au fil du retour de la mémoire du médecin-capitaine, ou des récits que lui fera son ami, bien plus conscient des dangers qui les guettent.

Le duo d'acteur emmène sans embûches le spectateur vers des découvertes plausibles et un final un rien trop prévisible. Antonio de La Torre (« Balada triste ») est d'ailleurs toujours impeccable, en ami pas très net. Tandis que Alberto Ammann, autre jeune acteur (vu dans « Cellule 211 » et « Lope »), rend son personnage d'idéaliste crédible, et forme un couple attachant avec Inma Cuesta (« La voz dormida »). Le réalisateur fait monter la tension, par le biais de courses-poursuites, le danger se faisant sentir dès lors que le personnage principal refuse de signer, même s'il ignore alors ce qui s'est passé et pourquoi l'armée cherche à s'assurer de son silence.

Désir de l'homme de savoir la vérité, de pouvoir aussi se regarder en face en assumant ses actes, achat raisonné du silence, responsabilité de la hiérarchie dans le choix des appelés, sentiment de culpabilité de l'envahisseur : autant de questions ou aspirations qui font la saveur de ce thriller espagnol réussi, tendu et émouvant, adoptant une vision réaliste du monde militaire, tout en jouant sur la corde sensible.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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