ON L'APPELLE JEEG ROBOT
Agréablement original
"On l'appelle Jeeg Robot" n'est vraiment pas un film de super-héros comme les autres. Il nous a d'ailleurs fallu réprimer quelques sourires moqueurs à la lecture du synopsis qui nous est apparu pour le moins… improbable. Un homme mi mafieux mi super-héros accompagné d'une fille perturbée et fan de manga, il y avait de quoi s'inquiéter. Tout cela sentait le grand n'importe quoi nanardesque à plein nez. D'ailleurs, le film commence sur une situation initiale un peu confuse. Ça va vite et on ne voit pas très bien qui est qui et qui veut quoi. Mais tout cela se clarifie rapidement et c'est là que les choses sérieuses peuvent commencer. L'élément déclencheur ? Enzo est contaminé par une substance inconnue et se retrouve doté de super-pouvoirs. Nous y voilà ! Comment Gabriele Mainetti – dont c’est le premier long-métrage – va-t-il s'en sortir avec son mafieux/super-héros ?
À notre grande surprise, le réalisateur parvient à donner à cet univers étrange et à son non moins étrange personnage principale, une humanité et un réalisme qui forcent le respect et qui permettent au spectateur d’entrer rapidement dans le film. Et nous sommes définitivement conquis lorsque la ravissante Ilenia Pastorelli entre en scène. Il faut d'ailleurs souligner deux choses à propos de l'interprète d'Alessia. Premièrement, elle a participé à la version italienne de l'émission Big Brother et fait donc partie de ces vedettes parfois méprisées car issues de la télé-réalité. Deuxièmement, elle a reçu le David di Donatello de la meilleure actrice pour ce rôle. Une très belle performance pour une première prestation au cinéma, puisqu'elle rentre ainsi immédiatement dans la cour des grandes aux côtés d'actrices comme Sophia Loren, Valeria Bruni Tedeschi ou encore Margherita Buy récompensée l'année précédente pour sa prestation dans "Mia madre" de Nanni Moretti.
Mais "On l’appelle Jeeg Robot" nous réserve encore bien d’autres surprises. Notamment une galerie de personnages venus d’ailleurs comme le fameux Gitan, le grand méchant du film, qui semble jouer sur trois registres à la fois, à mi-chemin entre le méchant d’un manga, celui d’un film de mafia et celui d’une comédie bien barrée. On se rappellera notamment de cette scène de karaoké complètement perchée qui permet de bien cerner le personnage. Et on se rend immédiatement compte que l’on n’aura pas affaire à un méchant comme les autres. En fait, le personnage d’Enzo est sans doute le moins fantasque et caricatural de tous, ce qui nous permet de nous identifier plus rapidement et plus facilement à lui dans cet univers haut en couleur.
Le film a deux principales influences qui lui donnent ce ton très caractéristique. Il y a d’abord sa nationalité. Lorsqu’il s’agit de super-héros, l’immense majorité des productions nous viennent d’outre-Atlantique, le pays de Superman et de Captain America, alors que Mainetti assume une identité italienne très marquée. Selon le réalisateur « faire un bon film signifie raconter une histoire avec originalité. Lorsque l'on aborde un nouveau genre, il est difficile de ne pas tomber dans l'imitation. Nous ne voulions pas raconter les aventures d'un Superman en collants. Il fallait persuader les spectateurs de croire en lui dès le début. Comment ? C'est par les vérités propres à notre tradition, par la fragilité des personnages, que le public se laisse, j'espère, emporter dans une histoire urbaine remplie de super-pouvoirs. » Et ça marche ! Pari réussi pour ce qui est de l’identité italienne du film.
Venons-en à la seconde influence : le film de super-héros, évidemment. "On l’appelle Jeeg Robot" est en fait inspiré du manga Kotetsu Jeeg créé par Go Nagai, que Gabriele Mainetti regardait lorsqu’il était enfant. On sent un respect pour la pop-culture qui permet au film de ne pas tomber dans la vulgaire caricature. Si Mainetti a choisi ce thème et ce personnage en particulier c’est parce qu’il les aime, pas pour surfer sur une vague à la mode. On pourrait encore plonger un peu plus dans l’analyse, car le film a également des airs de satire sociale, mais on vous laissera découvrir le reste par vous-même, dans les salles. C’est encore le meilleur moyen de d’apprécier un film.
On peut conclure simplement en disant qu’"On l’appelle Jeeg Robot" est un véritable ovni cinématographique – pas dans sa réalisation, contrairement à un film comme "Hardcore Henry", mais plutôt grâce à son imagerie et à son identité très marquée – qui mérite d’être découvert. Un film sincère, d’une très agréable originalité.
Adrien VerotEnvoyer un message au rédacteur