LE CONVOI
Go slow…
Si ce scénario vous rappelle quelque chose, c’est normal : il y a neuf ans, EuropaCorp accouchait de l’une de ses productions les plus recommandables avec "Go Fast", deuxième film d’Olivier Van Hoofstadt après "Dikkenek", qui combinait l’efficacité d’un actionner survolté avec un regard quasi-documentaire sur une pratique désormais très popularisée dans la sphère du trafic de drogue. Hélas, et comme on pouvait s’y attendre, Frédéric Schoendoerffer (à qui l’on devait déjà "Agents secrets" et "Truands") est retombé dans ses pires travers en cherchant lui aussi à aborder ce sujet. Si le bonhomme n’a jamais caché son souci de privilégier l’authenticité de chaque situation et l’immersion hyperréaliste dans les activités les plus obscures de nos sociétés modernes (agents secrets, truands, flics ripoux, etc.), il n’a jamais su dévoiler le moindre talent de metteur en scène, se contentant de quelques cadres joliment composés au sein d’un montage totalement incohérent et lancé à l’aveuglette.
Chez lui, c’est toujours pareil : une situation creuse peut durer un quart d’heure si le souci de réalisme l’exige, un acteur peut rester immobile derrière des lunettes fumées si le manque de charisme l’appelle à la rescousse (c’est d’ailleurs sur ce plan-là que s’ouvre le film) et les dialogues peuvent tourner autour de n’importe quel sujet inintéressant par pur désir de « coller » à la situation personnelle des personnages. Avec "Le Convoi", on a la totale : 102 minutes de néant intégral à suivre six banlieusards avec le QI d’un pois chiche, qui parlent de « pécho de la meuf », d’un « business plan » à bâtir dans le milieu de la drogue (alors qu’ils démarrent à peine leur première mission !), d’une fascination totalement bêta pour "Top Gun" (?!?), ou même de l’envie de se trouver un prénom arabe (l’un d’eux, le plus bête de tous, a envie de s’appeler Oussama parce que ça sonne bien !). À leurs côtés, un Benoît Magimel qui ne joue pas derrière ses Ray-Ban, une Reem Kherici qui incarne les utilités pleureuses et un Alain Figlarz qui rejoue à nouveau la brute-qui-cogne-et-qui-insulte-mais-qui-ne-sourit-pas. On croît rêver…
Tout ce petit monde roule donc sans s’arrêter, que ce soit en Espagne ou en France (mais dans les deux cas, on voit bien que le film a été tourné en région Rhône-Alpes !), avec une caméra qui alterne le plan sur le conducteur et le plan sur le passager afin d’animer des dialogues aussi creux qu’un puits sans fond. À ce stade, ce n’est plus de la mise en scène. C’est juste du tennis. Si l’on ajoute à cela des « péripéties » chargées en suspense « étouffant » (l’otage partie faire caca dans les buissons d’une aire d’autoroute va-t-elle réussir à atteindre les toilettes pour alerter quelqu’un ?) et un étalonnage jaune pisse digne d’une pub Audi, on tient donc d’ores et déjà l’un des films les plus vains et les plus ratés de l’année 2016, qui se cherche une légitimité à travers la frime racoleuse et la néantisation du moindre enjeu émotionnel. Après, si l’on veut aller dans une salle de cinéma uniquement pour piquer un petit roupillon, ça peut valoir le déplacement. Mais dans ce cas-là, faites comme le passager d’un long trajet en voiture sur l’autoroute : n’oubliez pas l’oreiller.
Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur