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COSMOPOLIS

Un film de David Cronenberg

Déconnexion avec la réalité du monde

Dans un futur proche, alors que New York est assiégée par des indignés venus militer à l’occasion de la venue du président des États-Unis, un richissime golden boy demande à être emmené chez son coiffeur à l’autre bout de la ville et ce, malgré les recommandations de son consultant en sécurité…

Difficile de livrer une impression construite et ferme à la sortie d’un film aussi dense et complexe. Alors que nombre de fans s’attendaient à un retour aux sources de la part de Cronenberg, le voici qui livre un film à mille lieux des charnelles et malsaines histoires qu’il a pu conter dans les années quatre-vingt-dix et assez loin de ses drames psychologiques des années 2000. À l’image de l’année où il avait présenté son « Spider » en compétition cannoise en 2002, Cronenberg change de décennie et donc d’orientation artistique comme nous l’avions annoncé dans notre article sur le parcours de ce singulier réalisateur .

Il y a de quoi rester perplexe face à ce film conceptuel, ultra-verbeux et philosophique sur l’état d’une société capitaliste outrancière dans lequel notre monde s’embourbe. Aux vues des sommets internationaux sur la croissance des pays autrefois en pleine hégémonie économique, le sujet est on ne peut plus dans l’air du temps. On sent bien que la fin d’une ère approche et quoi de mieux pour ce réalisateur visionnaire que d’adapter un roman d’anticipation de Don DeLillo traitant justement de ce sujet. Et pour une fois, le cinéaste ontarien, pourtant habitué à mettre sa patte dans chacun de ses portages cinématographiques, le fait de manière très fidèle. Peut-être trop d’ailleurs.

« Cosmopolis » se suit comme un roman. Hélas, on ne peut faire de pause ou relire un passage un peu compliqué (à moins de patienter jusqu'à la sortie de la galette). Ça foisonne. La chute de la devise chinoise, les théories sur la toute-puissance d'une information omniprésente et omniforme, des considérations hautement philosophiques et pompeuses sur la condition humaine dans cette société ultra-libérale et consommatrice, « Cosmopolis » est en quelque sorte le pendant cérébral de « Fight club » qui lui, frappait du point et hurlait à l’anarchie et au chaos. Le chaos, l’éminent Eric Packer l’observe de loin, à bord de son cocon pour PDG de multinationales du NASDAQ traversant un New York à feu et à sang pour une vulgaire coupe de cheveux. Un caprice de star, juste parce qu’il le vaut bien et qu’il en a les moyens. Son carrosse-bureau dans lequel il reçoit moult de ses collaborateurs est bien fait pour ça, après tout. Mais d’ailleurs, où peuvent bien se ranger, à la fin de la journée, toutes ces limousines s’interroge-t-il. En voilà un qui ferait bien d’aller voir le dernier Leos Carax...

Il est par ailleurs amusant de voir que ces véhicules démesurés représentent la grandeur et la décadence de nos élites corporatives pour ces cinéastes singuliers aux œuvres métaphoriques. Cronenberg ne décroche pas pratiquement de l’intérieur de la limousine, faisant de son film un huis-clos tournant autour d’un personnage insipide finalement en quête de risques et de sensations hors de son monde aseptisé. L’interprétation par Robert « Twilight » Pattinson de ce personnage pourtant intriguant est malheureusement amorphe, sans envergure et peu crédible. Même si l’on connait Cronenberg pour son humour (notamment via les rôles qu’il choisit d’interpréter lui-même au cinéma) et que le film recèle quelques pépites de comédie noire, il est difficile de s’empêcher de glousser à certaines scènes ridicules et dialogues abscons émanant du protagoniste, entre six tirades déclamatoires. Le tout confère à l’ensemble un côté prétentieux et prise de tête, assez exaspérant.

Au-delà de cet aspect, le film est une pépite de réalisation, et on ne rechignerait pas à le voir se faire décerner un prix de la mise en scène. Car « Cosmopolis » fait dans la symbolique visuelle difficilement accessible dès la première vision, à l’image de ses dialogues. Sans doute une deuxième projection s’impose afin de saisir toutes les subtilités soigneusement disséminées par le père de la nouvelle chair.

Alexandre RomanazziEnvoyer un message au rédacteur

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