SAMI, UNE JEUNESSE EN LAPONIE
Sublime ode à l'anti-déterminisme
Traduction de "Sang lapon" (le terme Saami désignant ce peuple autochtone du nord de la Suède, de la Norvège et de la Finlande), "Sami blood" est le poignant récit initiatique d'une jeune femme en quête de respect et de liberté. Loin de s'apparenter à une vulgaire crise adolescente, son mal-être est la conséquence directe d'une oppression sociale et sociétale qui frappa les Lapons dans l'entre-deux-guerres (l'histoire se déroule dans les années 30), ces derniers étant considérés par les anthropologues et la société civile comme des sous-catégories de l'espèce humaine. Un phénomène raconté sans détours dans le premier tiers du film, au travers d'un florilège d'actes de violence et d'humiliations ordinaires (dont une révoltante visite médicale devant toute une classe).
À la fois fresque sociologique, récit d'aventure et réflexion sur la question identitaire, "Sami blood" est aussi et avant tout un magnifique portrait de femme. Incarné avec intensité par une jeune actrice inconnue, un diamant brut à l'âge incertain et à la beauté sauvage, le personnage de Elle Marja fascine et intrigue. Son refus de se soumettre aux pressions du système et ses ripostes inlassables face à la cruauté de ses contemporains en font une héroïne flamboyante, face à un déterminisme bien plus grand qu'elle. Paradoxalement, son manque total de bienveillance pour ses racines et de compassion pour les siens traduit un racisme auto-infligé, plus dévastateur encore que le regard des autres. En résulte un tableau plutôt nuancé, que la narration en flash-back (le récit démarre alors qu'Elle Marja est une vieille dame campée sur ses positions) permet judicieusement de souligner.
Captivant dans son propos et visuellement remarquable, "Sami blood" est de ces pépites que l'on n'attend pas au tournant, capable de vous subjuguer et de vous emmener vers des torrents d'émotions. Il offre une fin d'une beauté inouïe, dont le message d'humilité résonne avec force longtemps après la projection. Espérons que le public français aura un jour la chance de le découvrir en salle ou en VOD.
Sylvia GrandgirardEnvoyer un message au rédacteur