LA MAUVAISE ÉDUCATION
Un Almodovar personnel et noir
Ignacio, acteur débutant, débarque sans rendez-vous chez Enrique, ancien ami d’enfance, devenu réalisateur à succès. Il lui donne à lire une nouvelle, intitulée La visite, inspirée de leur jeunesse dans une école catholique, où le père Manolo tentait d’abuser d’Ignacio. Mais les retrouvailles ne se feront pas sans mal…
Avec La mauvaise éducation, Pedro Almodovar nous livre certainement son film le plus personnel, car on le devine, en partie autobiographique. Du coup, une certaine douleur, une rancœur, semble suinter de ce récit, effaçant toutes les fantaisies habituelles du réalisateurs, qui, sans délaisser les couleurs flamboyantes, fait place à une noirceur et un sérieux inattendus. Construisant un récit à tiroir, le présent donnant à lire l'histoire romancée, dans laquelle un maître chanteur remet un manuscrit à un homme d'église, qu'il lit à son tour. On découvre ainsi la dureté d'une enfance et d'un amour volés, au travers d'un double filtre de fictions.
Et si l'on a l'impression que l'histoire est simple, et cousue de fil blanc dès le départ, on découvre rapidement qu'il n'en est rien, le film tournant alors au thriller passionnel. Geal Garcia Bernal est séduisant en diable, impeccable en garçon aux obscurs desseins, comme en travesti revanchard. Cet acteur a décidément de l'avenir. L'Almodovar 2004, ouverture d'un festival de Cannes qui s'annonce mouvementé, est signe de maturation des thèmes fétiches du réalisateur, l'absence de famille, l'importance de l'amitié, l'affirmation à travers l'autre. Mais c'est aussi un film différent, qui, pour la première fois parle des hommes, et non des femmes. Et avec justesse et style.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur