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MINUIT À PARIS

Un film de Woody Allen

Nostalgie jubilatoire

Gil et Ines, un jeune couple d’Américains, sont en vacances à Paris. Bien que leur mariage soit prévu à l’automne, ils n’ont de cesse d’être en désaccord sur tout : lui se verrait bien vivre dans la capitale française pour écrire des romans, tandis qu’elle ne jure que par leur future maison à Malibu. Lui se plaît à sillonner les rues et à s’imprégner de leur histoire, tandis qu’elle ne pense qu’à courir de dégustations de vin en dîners mondains. Un soir où Ines décide de suivre des amis pour aller danser, Gil tente seul de regagner leur hôtel et se perd en chemin. Les douze coups de minuit retentissent dans la ville, une étrange voiture s’arrête devant lui…

Le nouveau film de Woody Allen s’ouvre sur un générique assez inhabituel, passant en revue des dizaines de lieux parisiens comme autant de cartes postales bucoliques. Mais ne vous méprenez pas : s’il est vrai qu’il montre le visage touristique de la capitale française, « Minuit à Paris » est moins un hommage à la ville qu’un cri d’amour à l’art et aux artistes qu’elle a vu naître en son sein. Mettant de côté certaines de ses obsessions récurrentes -la mort, la psychanalyse, l’hypocondrie...- en les rendant anecdotiques, Woody Allen renoue avec la fable et délivre une histoire enchanteresse sur la magnificence du passé. Gil (excellent Owen Wilson), peu à l’aise dans sa vie présente, se réfugie une fois les douze coups de minuit sonnés dans une époque qu’il n’a jamais connue mais dont il éprouve la nostalgie. Puisant dans ce sentiment assez banal (qui n’a jamais rêvé d’être né dans un autre temps ?) un ressort scénaristique fertile, Allen se fait plaisir et transpose à l’écran un fantasme totalement irréalisable : celui de croiser ses idoles trépassées et de se fondre dans une société idéale où l’art et l’amour seraient rois.

Ne craignant pas de jouer à fond la carte des contrastes entre Paris le jour (bling bling, superficielle) et Paris la nuit (mystérieuse, enivrante), délivrant ainsi une vision purement imaginaire, Woody Allen crée le désir et l’envie de suivre Gil dans ses incursions temporelles, qui le font rencontrer, entre autres personnalités, ses idoles de la littérature. Il s’adosse également pour cela sur un casting de poids, composé à la fois de stars américaines et françaises, dont les apparitions successives sont autant de surprises que de moments de pur régal (il est d’ailleurs intéressant de constater l’intelligence avec laquelle Woody Allen choisit ses interprètes, qui sont à la fois des étoiles montantes américaines et des valeurs sûres du paysage cinématographique français, histoire de surfer sur la vague et de séduire un large public).

Face à tant de fantaisies (on a connu Woody plus cérébral), on ne peut s’empêcher de penser à la magie de « La Rose pourpre du Caire » ou, film mineur mais jubilatoire, au « Sortilège du scorpion de jade ». Car si la sauce prend si bien, c’est aussi parce que Woody Allen n’a pas renoncé, pour le coup, aux ingrédients sacrés : du romantisme, du verbe et des clins d’œil cinéphiles. Ajoutez à cela quelques belles scènes où, une fois n’est pas coutume, le comique de situation dépasse celui de la parole (la scène des boucles d’oreille d’Ines est en cela déjà mythique), et vous obtenez l’un des films « alleniens » les plus charmants de ces dix dernières années.

Sylvia GrandgirardEnvoyer un message au rédacteur

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