TÉHÉRAN TABOU
Une fable iranienne aussi pertinente qu’esthétiquement réussie
Iran, de nos jours. Dans Téhéran, des personnages de tous âges se croisent, tous contraints dans leur existence quotidienne par les règles d’une société étouffante, souvent sous tendues par des principes religieux liberticides…
"Téhéran Tabou", présenté à la Semaine de la critique lors du dernier Festival de Cannes, est un film fictionnel d'animation dont le propos revêt une forte valeur documentaire. Faisant s’entrecroiser les destins de trois femmes et d'un homme, avec en toile de fond l'injustice et l'absence de libertés, il vise juste, mettant en évidence les déviances d’un système et l’hypocrisie sous-jacente. La scène d'introduction donne d’ailleurs le ton. On y découvre une femme contrainte de faire une fellation au chauffeur d'une voiture, avec son fils sur la banquette arrière. Lorsque ce dernier aperçoit sa propre fille tenant la main d'un jeune homme dans la rue, il menace alors de tuer celui-ci pour le déshonneur causé...
Soulignant d'emblée l'existence de contradictions entre règles sociales (et religieuses) très strictes et agissements réels, entre justice et corruption, entre principes et petits arrangements individuels, l'auteur s'attachera à mettre en évidence, tout au long du métrage, l'hypocrisie de ceux qui régissent ou adoubent le système en Iran. Traitant au passage nombre de sujets d’actualité, il observe les difficultés du quotidien en faisant défiler ainsi sous nos yeux : une femme au mari drogué, mis en prison, qui cherche à obtenir le divorce, une femme cherchant à redevenir vierge grâce à une reconstitution d’hymen ruineuse, une femme enceinte ayant besoin d’une autorisation de son mari pour être embauchée et un jeune musicien ne pouvant enregistrer son disque pour cause de création « contraire à l’Islam ».
Le traitement de l'animation se veut réaliste au niveau des traits des personnages et use d’un retravail de quelques éléments de décors réels (véhicules, façades…). Au milieu d'une ville grouillante et globalement terne, il donne à voir quelques lueurs d’espoir au travers de pointes de couleur, telle l’écharpe rouge d’un gosse innocent, une voiture bleue, ou la soudaine beauté d’espaces de verdure libérateurs. Ceci alors qu’une chatte noire fait des apparitions récurrentes dans le cadre. Un récit pertinent sur les difficultés quotidiennes d’Iraniens et Iraniennes de bonne volonté, désireux uniquement de vivre, en toute liberté et intégrité. A découvrir très vite, sur grand écran.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur