RARA
Une chronique familiale d’une infinie justesse
Sara et sa petite sur Catalina vivent heureuses avec leur mère et la compagne de celle-ci dans une petite maison de Viña del mar. À l’aube de l’adolescence, Sara, que tout le monde surnomme Rara, est séduite par Julian avec qui elle joue au volley. Un soir, alors qu’elle est au restaurant en famille avec deux des amies de sa mère, Sara croise Julian et en est terriblement gênée…
Dos à la caméra, Sara marche nonchalamment dans la cour de son collège. Les genouillères en accordéon sur les chevilles, elle arpente le gymnase pour aller droit au vestiaire où elle surprend ses co-équipiers de volley qui se défient à s’embrasser. Ils invitent la jeune fille qui pudiquement décline. Tranquille et discrète, cette dernière ne laisse rien paraître de la tempête qui se lève dans sa tête. Les affres de l’adolescence commencent à germer, semant doutes et crises existentielles au risque de tout briser sur leur passages.
Cette première scène, portée par un magnifique plan séquence, en annonce d’autres tout aussi soignées. La caméra agile de María José San Martín enveloppe ses personnages d’une attention toute particulière. Elle révèle le temps d’un repas, d’un départ pour l’école ou encore d’un shampooing, toute la psychologie de ses personnages. Des petits moments de quotidien authentiques qui séduisent par leur spontanéité. Dans cette famille recomposée, chacune a sa place et son caractère : la mère est aimante et passionnée alors que sa copine, plus discrète est douce et très attentionnée envers Sara et Catalina sa petite soeur, une petite môme adorable qui ne manque pas une occasion de se faire remarquer par ses réparties fantaisistes.
Malheureusement, tout cet amour ne suffit pas à rassurer Sara qui, perturbée par ses tout premiers émois amoureux, se laisse emporter par des rancoeurs futiles qu’elle regrette aussitôt. Ces petites tensions, propres à toutes les familles, arrivent pourtant à déstabiliser un foyer paré à toute épreuve. Des turbulences qui démontrent que malgré bien des progrès, une famille de deux mamans ou de deux papas reste encore un édifice fragile vis-à-vis de la société. Un équilibre précaire que María José San Martín saisit dans toute son humanité en réalisant un premier film pudique et infiniment attachant. Un long métrage récompensé du Grand Prix Kplus de la Berlinale 2016, prix décerné par le jury le plus jeune qui soit, puisque ses membres ont entre 12 et 14 ans. Preuve qu’une nouvelle fois, la vérité sort toujours de la bouche des enfants.
Gaëlle BouchéEnvoyer un message au rédacteur