Festival Que du feu 2024 encart

BIG BIG WORLD

Un film de Reha Erdem

Un lumineux retour aux sources

Pour lui éviter un mariage forcé avec un homme de 40 ans son aîné, un adolescent kidnappe sa petite soeur et part vivre avec elle dans la forêt. Entre visions fantasmagoriques, emprise inquiétante de la nature et tentations charnelles, les deux orphelins vont y vivre une expérience sensorielle qui dépasse l'entendement…

Lauréat du Prix spécial du jury à la Mostra de Venise 2016 dans la section Orrizzonti, ce drame turc fut présenté comme une allégorie de la Genèse, les deux adolescents incarnant Adam et Eve reclus dans le jardin d'Eden. On peut aussi plus simplement y voir une revisite du conte d'Hansel et Gretel, doublée de la peinture d'un monde contemporain cruel (le fameux "big big world"), n'offrant pour seule échappatoire qu'une extraction radicale et unilatérale.
 
Après une introduction intense mettant en scène l'attachement viscéral du jeune homme à sa fragile petite soeur, faisant de celui-ci un héros flamboyant qui sied bien à la portée allégorique du métrage, le film propose une incursion immersive dans une nature aussi luxuriante qu'hostile. La photographie, sublime, le remarquable travail sur les sons de la forêt et la mise en scène au plus près des personnages plongent avec succès le spectateur dans un état de contemplation. La beauté des deux personnages, incarnés par deux jeunes acteurs habités, contribue par ailleurs grandement à cet effet d'envoûtement.
 
Or malgré ses nombreuses qualités formelles, le film ne tient pas sur la durée. Au départ gonflé d'une sève fougueuse et régénératrice, il perd de sa force dès lors que le "couple" maudit commence à se désolidariser, chacun étant confronté à un apprentissage qui lui est propre. Cette rupture, narrativement louable, sans doute même indispensable, présente l'inconvénient de rompre le charme du film et de le faire basculer dans quelque chose de plus classique. Un retour à la réalité, moyennement bien négocié, qui rend l'ensemble un peu longuet. Dommage.

Sylvia GrandgirardEnvoyer un message au rédacteur

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