L'INTÉGRISTE MALGRÉ LUI
Mea-culpa
Lorsqu’un professeur américain est porté disparu au Pakistan, un journaliste est envoyé sur pour interviewer un jeune homme influent, diplômé d’Harvard et ancien consultant à Wall Street, revenu au pays…
La réalisatrice indienne Mira Nair (découverte à Cannes en 1988 avec "Salaam Bombay !", récompensé par la Caméra d'or) a ouvert le festival de Venise 2012 avec un film traitant des racines de l’intégrisme, et du difficile mariage antre culture musulmane et vie à l’américaine. Débutant avec l'enlèvement d'un professeur américain dans la ville de Lahore au Pakistan, le récit s'intéresse ensuite principalement à la vie de Changez Khan, autre professeur de la même université, interviewé par un journaliste américain auquel il raconte ses quelques mois passés aux États-Unis, entre 2001 et 2002.
Le récit est donc construit par flash-back autour de cet entretien, nous ramenant régulièrement dix ans en arrière, alors que la moiteur des lieux, le doute sur l’inclinaison finale du pakistanais, et la couverture de journaliste de Liev Scheiber, sont censés faire monter la tension. Insistant lourdement sur les « apparences trompeuses », le scénario tente de dénoncer la suspicion généralisée des Américains envers les étrangers et particulièrement les musulmans, ceci depuis les attentats du 11 septembre 2011. Si l’intention est politiquement et humainement louable, le film abordant de manière frontale des thèmes d'immigration, de terrorisme et de sécurité, le résultat apparaît trop lisse pour provoquer peur ou émotion.
Décrivant une certaine prise de conscience face à un pays où la réussite est tout ce qui compte (l’une des premières phrases est « Dieu bénisse les winners »), le film critique un système capitaliste où l’on décide du sort de gens qu’on ne connaît pas. Il esquisse une position politique, interrogeant sur la capacité de s’éloigner de ses racines, de construire un « rêve pakistanais », ou de s’intégrer à la société américaine sans être considéré comme « à la solde de l’empire ». Cependant, à force de flash-back sur la vie de Changez, le film aligne les clichés et coïncidences faciles et se transforme en une sorte de mea-culpa américain sur sa politique sécuritaire, son ingérence dans les pays tiers, et même les dérives de « son » système capitaliste. Une position certes politique, mais qui ne montre aucune issue humaine, entre capitalisme et religion toute puissante.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur