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L'AMORE BUIO

Un film de Antonio Capuano

Comment vivre l'après drame ?

Après une journée plage survoltée, une bande de copains décide de passer une soirée bien arrosée. Au détour d'un parc, ils aperçoivent une jeune femme très apprêtée qui vient de se faire déposer. Dans l'excitation de l'instant, les quatre garçons tentent une approche qui se solde par une agression. Le lendemain, Ciro, rongé par les remords se présente au poste police et avoue tout…

Avec une séquence d'ouverture à la fois léchée et captivante, Antonio Capuano nous plonge directement dans le vif du sujet. La noirceur des plans rappelle la mise en scène de "L'autre" et la photographie saturée donne à cette scène de viol une impression de vague souvenir trouble. A ce titre, Capuano utilise les ellipses à perfection, laissant planer le doute quant à ce qui s'est vraiment passé.

Une fois les faits posés, le réalisateur a l'intelligence d'abandonner les effets de style pour se concentrer sur une réalisation beaucoup plus sobre et posée, qui met en valeur le véritable sujet du film. « L'Amore Buio » explore les conséquences psychologiques d'un tel drame pour la victime, mais aussi pour l'un des bourreaux. Il en résulte deux personnages emprisonnés : l'un renfermé sur lui-même suite au drame qu'il vient de vivre, l'autre écroué pour son méfait et rongé par les remords. Capuano va donc mettre ces deux protagonistes en parallèle dans leurs retours à la vie.

Le personnage de Ciro, magnifiquement interprété par un talentueux jeune acteur, est de loin le plus intéressant. A travers ce jeune homme aux intéressantes réflexions sur la vie, Capuano décrit les conditions carcérales des mineurs en Italie. Ciro rappelle d'ailleurs le protagoniste de l'excellent film roumain "If I want to whitle, I whitle" sur deux nombreux aspects. Attachant car tourmenté, il trouve dans l'écriture de petits poèmes un exutoire face à cet emprisonnement et à son sentiment de culpabilité qui le ronge constamment.

De l'autre coté, toute l'exploration de l'impact du viol sur Irene demeure assez ennuyeuse et casse le rythme du film à plusieurs reprises. Le viol est à peine évoqué par ses proches et, mis à part ses multiples errances à Naples, on a du mal à éprouver de l'empathie pour elle, voire même à se rendre compte des cicatrices que le viol lui a laissé. A vrai dire, Capuano filme ce sujet sans discours sur une rédemption moralisatrice ni misérabilisme, et c'est ce qui donne à ce long-métrage toute sa force, avant même de terminer par une séquence finale magnifiquement amenée.

Alexandre RomanazziEnvoyer un message au rédacteur

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