L'AMORE BUIO
Comment vivre l'après drame ?
Avec une séquence d'ouverture à la fois léchée et captivante, Antonio Capuano nous plonge directement dans le vif du sujet. La noirceur des plans rappelle la mise en scène de "L'autre" et la photographie saturée donne à cette scène de viol une impression de vague souvenir trouble. A ce titre, Capuano utilise les ellipses à perfection, laissant planer le doute quant à ce qui s'est vraiment passé.
Une fois les faits posés, le réalisateur a l'intelligence d'abandonner les effets de style pour se concentrer sur une réalisation beaucoup plus sobre et posée, qui met en valeur le véritable sujet du film. « L'Amore Buio » explore les conséquences psychologiques d'un tel drame pour la victime, mais aussi pour l'un des bourreaux. Il en résulte deux personnages emprisonnés : l'un renfermé sur lui-même suite au drame qu'il vient de vivre, l'autre écroué pour son méfait et rongé par les remords. Capuano va donc mettre ces deux protagonistes en parallèle dans leurs retours à la vie.
Le personnage de Ciro, magnifiquement interprété par un talentueux jeune acteur, est de loin le plus intéressant. A travers ce jeune homme aux intéressantes réflexions sur la vie, Capuano décrit les conditions carcérales des mineurs en Italie. Ciro rappelle d'ailleurs le protagoniste de l'excellent film roumain "If I want to whitle, I whitle" sur deux nombreux aspects. Attachant car tourmenté, il trouve dans l'écriture de petits poèmes un exutoire face à cet emprisonnement et à son sentiment de culpabilité qui le ronge constamment.
De l'autre coté, toute l'exploration de l'impact du viol sur Irene demeure assez ennuyeuse et casse le rythme du film à plusieurs reprises. Le viol est à peine évoqué par ses proches et, mis à part ses multiples errances à Naples, on a du mal à éprouver de l'empathie pour elle, voire même à se rendre compte des cicatrices que le viol lui a laissé. A vrai dire, Capuano filme ce sujet sans discours sur une rédemption moralisatrice ni misérabilisme, et c'est ce qui donne à ce long-métrage toute sa force, avant même de terminer par une séquence finale magnifiquement amenée.
Alexandre RomanazziEnvoyer un message au rédacteur