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PORTRAIT AU CRÉPUSCULE

Un film de Angelina Nikonova

Brutal, déroutant et sans concession

Après un rapide coït dans la chambre d’un homme et le vol de son sac à main, une jolie jeune femme se retrouve à marcher le long d’une route nationale russe, un talon de chaussure en moins. Une voiture de policiers la repère. « Suceuse en vue ! » s’exclame l’un d’entre eux, tandis que le conducteur s’active pour garer la voiture et foncer sur elle qui se précipite aussitôt vers les bois. Hélas elle est vite rattrapée. Plaquée à terre, elle se débat comme elle peut. Ils l’immobilisent, l’insultent, la bâillonne. Aucune issue…

Première fiction de la réalisatrice russe Angelina Nikonova, « Portrait au crépuscule » déploie, dès son ouverture, une séquence crue et âpre qui, bien qu’éludant le viol, laisse une emprunte poisseuse à l’esprit, beaucoup plus marquante que si l’on avait assisté à l’agression. On y découvre avec effroi une Russie où même les représentants de l’ordre commettent des méfaits sans aucune vergogne et où la corruption et l’argent facile régissent le pays. La séquence du commissariat est un monument d’absurdité très éloquent sur la situation des institutions du pays. Le film renvoie une image terne, volontairement crépusculaire, utilisant une lumière naturelle pour mieux faire ressortir cette atmosphère glaciale rappelant à chaque instant à quel point les rapports humains dans les sociétés capitalistes contemporaines sont froids. En Russie en particulier…

Contrairement à ce que la réalisatrice voudrait nous laisser croire dès le début du film, Marina, la femme qui vient de se faire violer, n’est pas une prostituée, mais une élégante assistante sociale mariée à un riche business man avec qui plus aucune passion ne subsiste. Pourtant habituée à son petit confort, ce viol va se déclencher un revirement dans sa vie, qui ne manquera pas de mettre mal à l’aise bien des spectateurs. Dans un esprit de contradiction à la limite du malsain, Marina va se venger de son agresseur d’une manière bien inhabituelle et déstabilisante. Dès lors, les questions se bousculent quant à ses motivations, ses ressentiments. Se joue-t-elle de lui ? Est-elle vraiment sincère ? Cette assistante sociale est-elle d’une générosité extrême ou plutôt une masochiste cherchant un peu d’émotion pour contraster avec sa vie aseptisée ? Tout ceci fait-il parti d’une vengeance machiavélique ?

Grâce à une réalisation précise et une utilisation subtile de sa focale, la réalisatrice parvient à maintenir son public en haleine, celui-ci oscillant constamment entre étonnement, incompréhension, adhésion et répulsion. Un mélange de sentiments qui vous hante encore plusieurs jours après la projection. Mais cette prouesse tient aussi et surtout à la saisissante interprétation d’Olga Dihovichinaya, actrice principale, co-scénariste et coproductrice du film. Elle se donne corps et âme dans ce rôle de femme meurtrie, partie pour sauvagement se venger mais dont le face à face avec son agresseur va prendre une tournure inattendue, à la limite du passionnel. C’en est d’ailleurs sacrément passionnant !

Alexandre RomanazziEnvoyer un message au rédacteur

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