LIVE BY NIGHT
Un costume trop grand pour un Ben Affleck décevant derrière et devant l’objectif
Si Hollywood aime particulièrement les romans de Dennis Lehane ("Mystic River", "Shutter Island"), il y en a un qui les apprécie plus que tous : Ben Affleck. Partageant avec l’écrivain l’amour de la ville de Boston, le cinéaste avait opéré son premier passage derrière une caméra en adaptant "Gone Baby Gone". Aujourd’hui, il s’attaque à un pavé de 555 pages traitant aussi bien de la prohibition, de l’amour, de la culpabilité que d’une Amérique en proie à de multiples contradictions. Malheureusement, le comédien-réalisateur essaye de faire tenir en deux heures une œuvre largement déclinable en série, multipliant ainsi les personnages et les sous-intrigues et rendant quasiment impossible tout attachement aux protagonistes.
Pourtant, après un début qui laissait présager le pire (images d’archives, voix-off), les premières minutes étaient emballantes : une photographie léchée, une reconstitution fidèle, un rythme haletant. Surtout, la perspective de voir se mêler une grande fresque mafieuse à une romance fougueuse promettait une tension permanente. Mais finalement, après une vingtaine de minutes, le film s’embourbe déjà dans une tonalité soporifique, enchaînant les époques et les lieux (du Boston des années 20 à la Floride de la fin de la prohibition) avec un montage trop décousu pour susciter un quelconque engouement. Le parcours de Joseph Coughlin, ancien soldat devenu petit malfrat avant de devenir un caïd important dans la vente clandestine d’alcool, devient alors anecdotique.
Doucement, l’intrigue glisse du désir de vengeance à la quête de rédemption. Sauf que le visage de Ben Affleck, censé incarner toutes ces évolutions, demeure tristement inexpressif. Avec un scénario pas suffisamment resserré, des scènes d’action mal amenées et un acteur principal peu inspiré, "Live by Night" n’atteint jamais la rage ni le caractère épique de ses illustres modèles. Bien trop sage et gentillet sur le fond et la forme, le métrage tire sa force des seconds rôles, et en particulier de la toujours excellente Elle Fanning dans le rôle d’une actrice déchue convertie en prêcheuse protestante. Pour autant, le nouveau Batman déçoit pour la première fois derrière la caméra. Ce qui ne présage rien de bon pour les prochaines aventures du cavalier noir…
Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur