Festival Que du feu 2024 encart

FORTUNATA

Un film de Sergio Castellitto

Une femme sous influence

Traînant derrière elle un passé tourmenté et un mariage raté, Fortunata se contente d’un travail de coiffeuse à domicile tout en faisant vivre sa petite fille de huit ans. Elle rêve d’un avenir meilleur, jusqu’au jour où une rencontre fait vaciller toutes ses certitudes…

On le sent tout de suite et même avant que le film ne démarre : cette histoire d’héroïne borderline qui tente de s’émanciper, qui sue et en bave au quotidien dans l’espoir de tutoyer un jour une parcelle de chance, sent le mélo cassavetien à plein nez. D’autant qu’au regard d’une Jasmine Trinca aussi dynamique et vibrante que l’était la Gena Rowlands des meilleurs jours (avec toutefois la sensualité et le look solaire en bonus), la partition émotionnelle semble cousue de fil blanc, avec des cases à cocher dans un certain ordre afin de respecter les clichés du genre. C’est finalement bien le cas : entre appel à ne jamais baisser les bras, drame familial avec divorce et violence conjugale, recherche de l’âme sœur et quête d’émancipation, rien ne manque à "Fortunata". Et le fait qu’il s’agisse d’un film italien n’offre ici qu’un double apport peu consistant : injecter du drame à l’italienne dans l’intrigue (c’est bien joli, mais on est quand même très loin des films de Vittorio De Sica), et – sans que l’on sache trop pourquoi – transformer Rome en territoire gagné par l’âme de la Chine (le plan d’ouverture montre une chorale chinoise chantant l’Hymne à la Joie).

Tout ceci donne en fin de compte un film relativement efficace, ne serait-ce qu’en raison d’une mise en scène et d’un découpage conjointement calés sur l’énergie de cette héroïne extrêmement sensuelle – rien d’étonnant à ce que toute la publicité autour du film se focalise sur cet aspect-là. On peut en tout cas tirer notre chapeau à Jasmine Trinca, qui donne à son personnage de mère-courage tatouée et décolorée un entrain et une sensualité qui vont relativement à l’encontre des clichés les plus énervants du mélodrame social. Castellito n’a en tout cas d’yeux que pour elle, et sa proposition de cinéma reste donc au diapason. Il lui manque hélas ce petit « plus » qui aurait permis de relier cette tranche de vie à la condition humaine par le biais d’une symbolique adéquate (ici inexistante) ou d’un point de vue original (ici très classique). Pour citer un autre exemple de film italien avec un personnage féminin très marquant et un angle symbolique très fort, on garde encore comme repère le bouleversant "Respiro" d’Emanuele Crialese, où Valeria Golino irradiait dans sa quête d’indépendance sur une île-monde entourée par des eaux idylliques. Le décor visité avait alors autant de force que le sujet traité. Sur "Fortunata", on est loin de tutoyer le même degré d’audace, malgré une exécution sans fausse note.

Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur

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