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LA FACE CACHÉE DE MARGO

Un film de Jake Schreier

Étonnement émouvant sans être tire-aux-larmes

Une nuit, Quentin voit débarquer dans sa chambre Margo, son amour de jeunesse et voisine qui l’ignore désormais depuis de nombreuses années. Mais cette nuit-là, ensemble, ils vont venger la belle qui vient d’être trompée par son petit ami. Le lendemain matin, Margo disparaît. Quentin va alors être prêt à tout pour retrouver celle qu’il n’a jamais cessé d’aimer, persuadé de pouvoir élucider les mystères l’entourant…

Imaginez qu’une nuit votre amour de jeunesse surgisse subitement dans votre chambre. Cela paraît peu probable, pourtant c’est bien ce qui va arriver au jeune Quentin quand Margo décide d’escalader sa fenêtre pour faire de lui un complice de sa folie vengeresse contre son (ancien) petit ami. Pourtant, rien ne laissait présager que cet événement presque chimérique se réalise un jour. Si les deux voisins s’étaient côtoyés durant leurs plus jeunes années, ils avaient ensuite pris des chemins très différents, elle devenant la reine du lycée, lui un geek introverti encore puceau alors que le bal de fin d’études approche. Soit le postulat le plus banal et le plus cliché que l’on peut rencontrer pour une comédie romantique adolescente.

Sauf que, un peu comme ces "paper towns" qui donnent leur nom au titre du film en version originale, il faut se méfier des apparences. Car derrière son habit de romcom niaise et stéréotypée, le métrage est en réalité bien plus complexe. Nouvelle adaptation d’un roman de John Green (à qui l’on doit notamment "Nos étoiles contraires" dont les fans seront ravis grâce au caméo d’une certaine personne), "La Face cachée de Margo" tient plus du road-movie initiatique que du teen movie pour écervelés. Rapidement, on s’éloigne du schéma classique du crapaud qui va devenir prince au bras de la plus belle de l’école pour flirter aves des sentiments plus adultes, avec une mélancolie déversant son spleen aux aléas d’une intrigue rythmée et parfaitement menée.

Si le métrage ne bénéficiait pas du même potentiel que "Nos étoiles contraires", notamment du fait d’une histoire beaucoup moins forte émotionnellement, il n’en demeure pas pour autant très agréable à regarder, en particulier grâce à son charme permanent, à son ton rafraîchissant et à son trio de comédiens fortement sympathiques. Mais surtout, le film parvient à s’empreindre d’une certaine poésie, transportant les protagonistes vers des réflexions bien plus profondes qu’on aurait pu l’imaginer, en particulier durant un épilogue qu’on attendait pas aussi amer. Et cela tient beaucoup au talent de Jake Schreier, réalisateur de l’excellent "Robot & Franck", dont la douceur et la bienveillance épousent les corps sans jamais tomber dans la démesure outrancière du genre.

La rébellion adolescente se limite ainsi à son essentiel, s’émanciper le temps de quelques instants pour courir après un rêve, avant que leur monde ne s’écroule lorsque les portes du lycée se refermeront. Et finalement, Margo, malgré ce que pouvait laisser entendre le titre français, est loin d’être le personnage principal. Elle est n’est qu’un fantasme, comme elle l’a toujours été pour Quentin, mais elle devient également ce songe qui a poussé les trois nerds un peu trop timides à avancer, une métaphore catalysant tous les enjeux et intrigues du film. Percer son mystère reviendra à briser les faux-semblants et balayer les idées reçues. Il s’agit là d’une très belle manière de conter une ode à l’amitié et de nous rappeler de profiter de l’instant présent, bien plus intelligente que le moralisme habituel et bien plus onirique qu’un happy end classique. La présence de Cara Delevingne est totalement anecdotique, le film beaucoup moins.

Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur

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