Festival Que du feu 2024 encart

DJAM

Un film de Tony Gatlif

L’Europe, ce carrefour de cultures…

Djam, une jeune femme grecque, est envoyée à Istanbul par son oncle Kakourgos, un ancien marin passionné de musique rebetiko, afin de trouver la pièce rare qui réparera leur bateau. Elle rencontre sur place Avril, une Française de 19 ans sans argent et sans papiers, venue en Turquie pour être bénévole auprès des réfugiés. Les deux jeunes femmes entament un voyage vers Mytilène, où les rencontres et les espoirs vont très vite se multiplier…

Il y a toujours chez Tony Gatlif une façon chaleureuse de concevoir le 7ème Art comme un partage, une invitation au voyage, une sensibilisation à d’autres cultures par le biais d’intrigues qui prennent place dans une communauté précise. Petit bijou d’optimisme et d’humour décalé, "Djam" apparaît d’une certaine manière autant comme un film-somme que comme un nouvel élan dans sa filmographie. En s’attachant une nouvelle fois à une histoire d’exil, Gatlif en démontre à nouveau le potentiel caché : l’espoir de découvrir de nouveaux horizons, d’y déceler un nouveau véhicule du « vivre-ensemble ». D’où son choix de la musique rebetiko, courant musical développé autrefois dans les bas-fonds d’Athènes dont la combinaison de grec et de turc tisse un trait d’union concret entre Orient et Occident. De l’exode des migrants jusqu’à la situation politique d’une Grèce à genoux, le cinéaste se coltine frontalement à tout ce qui le touche et/ou qui le révolte, mais en aucun cas pour baisser les bras. Le premier plan le montre bien : on y voit Djam danser contre un grillage qui passe vite du premier plan à l’arrière-plan – difficile d’être plus explicite.

Le choix de l’intrigue coule de source pour évoquer la situation contemporaine des migrants. Plutôt que de se borner à des images misérabilistes promptes à susciter une émotion facile et calculée, Gatlif opte pour un symbolisme discret (des gilets de sauvetage entassés sur les bords de mer : tout est dit) et se concentre sur le parcours intime d’une jeune femme nommée Djam, lancée dans un périple entre Istanbul et les îles grecques (surtout celle de Lesbos et sa ville Mytilène). De mémoire, jamais Gatlif n’avait filmé un personnage féminin aussi riche, aussi positif, aussi porteur d’espoir. Cash et brute de A à Z, Djam est de ces héroïnes qui tracent une route universelle à mesure qu’elles tracent la leur, qui n’ont pas peur de hurler leur désir de liberté et d’indépendance à la Terre entière (quitte à pisser sur la tombe d’un grand-père familier de la dictature des colonels !), qui utilisent le chant et la danse comme des outils de transcendance spirituelle et de partage multiculturel. Face à elle, une jeune Française un peu paumée et un oncle profondément fragile – des personnages touchants qui l’épaulent dans son trajet intime plus qu’ils ne l’aiguillent dans ses choix.

En plus de procurer un bien fou et de réserver de grands moments d’humour désinhibé, ce voyage initiatique fait figure d’élixir bienfaisant en ces temps d’intolérance et de stigmatisation. Même dans des films entraînants tels que "Gadjo Dilo" ou "Exils", Tony Gatlif avait-il déjà signé un tel éloge de la vie face à toutes les frontières imposées, que ce soit par le matérialisme forcené – l’argent est ici un gros mot – ou les murs de barbelés ? On peut en tout cas clairement dire que l’optimisme n’avait sans doute jamais mangé une part de gâteau aussi large dans sa filmographie, qui plus est sous l’impulsion d’une jeune actrice qui fait ici jeu égal en matière de talent et de tempérament (un César du meilleur espoir pour Daphné Patakia ou c’est la désobéissance civile assurée !). "Djam" doit se vivre aussi simplement que ça : une ouverture de l’esprit, lancée en direction des carrefours qui positivent. Et ça fait vraiment du bien.

Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur

Laisser un commentaire