TRUST
In Clive we Trust
Au Festival de Deauville dernier, David Schwimmer est venu présenter en personne « Trust », son deuxième film pour le cinéma. Après sa comédie « Cours toujours Dennis » (mettant en scène Simon Pegg), place ici au drame, au vrai : les abus sexuels sur mineurs via les sites de discussions sur Internet. En 2006, « Hard candy » de David Slade avait déjà donné sa version des faits dans une fiction grinçante, à l’humour noir, sur le fil de la comédie dramatique et qui tournait mal… pour le prédateur sexuel. « Trust » du célèbre Ross de « Friends » change de cap avec un ton extrêmement réaliste, sur un fond social et moral, et qui tourne mal… pour la victime.
Alors certes, David Schwimmer a des choses à dire et des messages à faire passer. On sent bien son besoin d’alerter sur les dangers des nouvelles technologies mal utilisées par les jeunes et mal gérées par leurs parents. Mais avec ses énormes appels de phares et ses gros sabots moralisateurs, il agace vite le spectateur en partie assommé par certaines facilités de scénario, la confondante nullité des agents chargés de l’affaire et les lourds clichés sur le milieu de la publicité. On passe rapidement du film de cinéma au téléfilm de fiction du samedi soir.
Pourtant, les trois personnages principaux au cœur de l’histoire sont eux assez bien écrits. Le prédateur sexuel qui, en bon manipulateur, met tout en œuvre pour mettre en confiance sa victime afin de la rencontrer physiquement provoque le malaise : Chris Henry Coffey lui prête son physique de monsieur-tout-le-monde, au visage angélique et rassurant. La jeune fille, elle, montre la complexité du rapport qui la lie à son agresseur. Elle a beau s’être fait violer par celui qui l’a trompé, elle en fait son ami, à qui elle ne peut pas en vouloir, lui trouvant des excuses et le protégeant. Un comportement inconscient qui laissera place à la compréhension des faits et à une lente chute vers la dépression. La jeune Liana Liberato campe avec conviction cette adolescente déjà meurtrie dans sa chair.
Le troisième personnage est le père de famille, interprété par l’excellent Clive Owen et sur qui la responsabilité tombe (in)directement. Il travaille en effet dans le milieu de la publicité, sur lequel David Schwimmer tire à boulets rouges, le décrivant comme déshabilleur d’enfants et attiseur du désir sexuel chez les pervers. Le père est aussi celui qui offre l’ordinateur et qui a été incapable de prévenir le drame. Clive Owen, malgré ce rôle difficile, porte littéralement le film sur ses épaules et délivre une performance intense, sans fausse note.
Ce casting impeccable, complété par la toujours convaincante Catherine Keener, représente le principal atout du film qui donne de la tenue et de la crédibilité à l’histoire. Mais ce que « Trust » gagne en réalisme, le film le perd en impact et n’atteint pas le niveau du vrai drame cinématographique attendu. On est loin de la subtilité d’un « Hard candy » par exemple.
David Schwimmer (s’en est-il rendu compte ?) se sert finalement du cinéma pour réaliser un grand film publicitaire sur la prévention des prédateurs sexuels qui sévissent sur Internet (il appartient en effet à une association américaine de lutte contre les abus sexuels sur mineurs - voir notre interview du réalisateur). Comme quoi David a réussi une chose : nous prouver que la publicité bien utilisée peut être très efficace !
Mathieu PayanEnvoyer un message au rédacteur