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LA RAISON DU PLUS FAIBLE

Un film de Lucas Belvaux

Maillons faibles et coffre-fort

A Liège, en Belgique, de nos jours, un père de famille au chômage, un paraplégique, un ouvrier poussé à la retraite trop tôt et un ancien braqueur : des hommes usés ou au fond du trou qui tenteront de remonter la tête hors de l’eau en rêvant au meilleur pour eux et leur famille mais en passant par la case « braquage » : toucheront-ils le gros lot ?

Après sa magnifique trilogie grenobloise (« Un couple épatant », « Cavale », « Après la vie »), Lucas Belvaux, né à Namur en Belgique, revient sur ces terres et installe sa caméra à Liège, grande ville industrielle sur le déclin, payant le prix fort des fermetures successives des grandes entreprises de sidérurgie qui ont fait autrefois la richesse du pays. Et dans cette cité où les jours heureux sont lointains et rares et où l’ascenseur social est autant en panne que l’ascenseur des grands immeubles qui fleurissent dans le paysage, chacun aspire à une vie meilleure. Les plus faibles resteront à attendre de gagner au loto, les moins faibles crieront « aux armes citoyens » !

Atout majeur du réalisateur : son œil social qui, tel un Ken Loach, capte l’air du temps, la conjoncture économique du moment, le climat social actuel. Les portraits qu’il tire de ces faibles sont justes, tel l’ex-taulard (« Je serai toujours vu comme un braqueur »), l’ancien ouvrier (« Je l’aimais mon entreprise, aussi parce qu’elle me faisait bouffer ») ou le jeune couple (« De toute façon après 40 ans, l’homme se barre ! »). Et en quelques tirades magiques Belvaux rehausse le niveau d’un film qui n’atteint pas le sommet des tours qui lui servent de décors.

En effet, la finesse qu’il a ici est contrebalancée là avec l’invraisemblance de la scène du casse. Son trio de braqueurs improbable laisse pantois. Les rôles sont ici mal distribués : on se demande longtemps pourquoi Robert, l’initiateur du sale projet, laisse Patrick avoir le rôle majeur des opérations. Lui qui est doux comme un agneau, gringalet comme un asticot et qui à la base n’était même pas censé participer. Sans compter que la filature de Marc semble des plus grossières et que l’arrivée de Patrick au point de rendez-vous a lieu pile sous les yeux des hommes de loi qui venaient à l’instant même de recevoir la description du fugitif !

Rire de cette situation n’était certainement pas l’objectif de Belvaux qui heureusement sauve son film en réussissant son final sanglant. Noir c’est noir, il n’y a plus d’espoir… c’est un peu la pensée du réalisateur qui exprime sa vision pessimiste de la société d’aujourd’hui et de demain, en la comparant à une jungle où les plus forts survivent et les plus faibles trinquent.

Mathieu PayanEnvoyer un message au rédacteur

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