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B-HAPPY

Un film de Gonzalo Justiniano

Une actrice magnifique dans un film touchant

Katty, 15 ans, vit avec sa mère et son frère dans une petite ville chilienne. L'imminente sortie de prison de son père, fils d'immigré yougoslave, ne la ravit pas vraiment. Elle se réfugie un peu plus dans son tempérament solitaire pour se protéger de son inconfortable situation. De toutes façons, elle n'a peur de rien ni personne…

Il flotte dans ce film un double parfum à la fois agréable et déroutant : l'histoire est chargée d'éléments sombres, cruels ou glauques, pourtant l'on se sent régulièrement planer au-dessus de sa rudesse, aidé en cela par sa magnifique actrice (voir plus loin) et par un sens de l'humour fréquent – souvent poétique, parfois grinçant. Les séquences sont majestueusement mises en scène alors que certaines auraient pu tourner au ridicule dans un autre contexte. C'est notamment le cas de la surprenante scène où Katty demande à Chumo de se déshabiller avant de faire de même; tout aurait pu être grotesque et vulgaire dans un film à la "American Pie" mais pas ici : on y sent au contraire une douce tendresse dans un acte beau et naturel – quand on pense que l'Américain moyen considère que la nudité à l'écran est gratuite et obscène, on se dit qu'il n'a vraiment rien compris au sens du mot vulgarité !

La principale réussite formelle du film est de privilégier l'implicite. Par contre, ceci a pour conséquence perverse de condenser le film en multipliant les ellipses et les fondus au noir. On peut donc regretter que le réalisateur n'ait pas osé étirer un peu plus son film tant il avait de substance à portée de caméra. Mais ne crachons pas dans la soupe car s'il n'est pas parfait, "B-Happy" est quand même une bouleversante réussite, parsemée de poésie (citons le jolie plan-séquence de l'enterrement où Justiniano multiplie simplement Katty à la manière du "Temps des Gitans") et vêtue d'une continuelle émotion (relevons le déchirant rôle du père joué par Eduardo Barril).

Mais que serait "B-Happy" sans son actrice principale Manuela Martelli dont c'était le premier rôle dans un long métrage avant de tourner dans "Mon ami Machuca" ? Malgré son jeune âge (en réalité plus que le personnage), il y a de quoi tomber amoureux ! N'y voyez ici aucune perversion mais plutôt une admiration. Une fascination pour sa beauté pure, la douceur de son regard attendrissant et de son timide sourire, l'inexplicable aura qui accompagne sa présence à l'écran, sa voix envoûtante et son jeu subtil… Quels frissons mes enfants ! Cette jeune actrice est une muse, rien de moins ! Une muse pour le méconnu cinéma chilien. Malgré la dure destinée de son personnage, elle illumine le film comme les yeux du public.

Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur

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