Festival Que du feu 2024 encart

RANGO

Un film de Gore Verbinski

Traversée du désert pour un anti-héros

Un lézard solitaire, ayant pour seule compagnie dans son aquarium un mannequin féminin décapité et un poisson rouge mécanique, passe son temps à s'inventer des histoires héroïques. Jusqu'au jour où lors d'un trajet dans le désert en voiture, sa cage idyllique se retrouve à valdinguer sur la route, éjectée de la voiture qui le transportait...

Dans la jungle des nouveaux dessins animés en images de synthèse, « Rango » se distingue par son graphisme particulier. Il faut dire que cette parodie du genre « western » aligne une brochette de personnages aux traits peu aguichants, son personnage principal, par exemple, étant un caméléon mal fagoté, au corps et aux membres sans véritables heureuses proportions, et au visage peu expressif de prime abord. Les créateurs se retrouvent ainsi face à un vrai pari, celui de faire adopter, notamment par les plus petits, des personnages dont la « beauté » est toute relative. C'était déjà le cas avec « Fourmiz » et ses bestioles au graphisme bien moins en rondeur et couleurs que son cousin « 1001 pattes », sorti à quelques mois d'intervalle. Mais le film avait également le désavantage d'être plus que bavard, étant alors porté par une fourmi mâle dépressive, façon Woody Allen.

Rien de cela ici, puisqu'après une scène d'introduction mettant en avant les aspirations culturelles du personnage principal et son ennui récurrent, le voici projeté dans un milieu hostile, en plein désert du Nevada, promis à de nombreux dangers et donc aventures. Fieffé menteur à la Gulliver, Rango (nom d'emprunt qu'il se donne lui-même de peur de paraître faible) se met rapidement dans la poche toute une communauté de bestioles, au premier abord toutes plus inquiétantes les unes que les autres, mais dont la lutte pour la survie de leur ville en plein désert unira néanmoins face à l'adversité. Et la galerie de gueules pas nettes ne s'arrêtera pas là, puisque notre ami devra faire face à une tortue sorte de Parrain, un serpent à sonnette tueur (avec chapeau de cowboy et bout de la queue en mitraillette)...

Les codes du western sont disséqués avec intelligence, des scènes de rencontre tendues (l'arrivée dans le saloon) jusqu'aux duels au soleil, en passant par la destruction de villages entiers par des mercenaires isolés, dont Rango lui-même se réclame. On a même droit aux intermèdes avec des hiboux mexicains qui racontent en chanson la légende de ce faux héros qui trompa son monde, guitares à la mains, un œil plus triste que l'autre. Tout cela donne lieu à quelques scènes d'action sympathiques, la poursuite avec l'aigle au début ou dans le village, la bataille avec les taupes... Mais, même au beau milieu de ces moments de bravoure, le réalisateur du « Mexicain » et du premier « Pirates des Caraïbes » n'oublie pas de jouer de l'ironie, que ce soit au travers des obstacles, toujours plus impressionnants qu'ils en ont l'air, ou de la verve de notre héros sournois et menteur, mais qui s'en sort toujours...

Le film fonctionne du coup très bien, un pied dans l'humour second degré, et l'autre dans l'action. Et le scénario s'applique pour une fois, sur fond de quête de l'eau (et non de l'or, noir ou pas, ici...), à diffuser un discours écolo pas trop appuyé. Il assène au passage quelques vérités bien senties, que les adultes s'empresseront de remarquer, mais qui échapperont forcément aux plus petits, sur la privatisation des ressources et des services publics, la corruption, l'affairisme... C'est ainsi qu'un élu déclame « nous ne sommes plus que des hommes d'affaires... ». Ça rappelle vaguement quelque chose... Peut-être même une célèbre phrase de Miterrand, sur le rôle des chefs d’État qui allaient lui succéder...

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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