APART TOGETHER
De vieilles promesses
Trois ans après son Ours d'or pour "Le mariage de Tuya", et à la veille de la sortie en France de "La tisseuse", le réalisateur chinois Wang Quan'an a remporté le Prix du meilleur scénario au Festival de Berlin 2010 avec un film sur les conséquences de la séparation entre Taïwan et la Chine sur la vie d'une famille dont la grand mère avait promis jadis d'épouser un soldat de l'armée nationaliste, interdit de visite jusqu'alors en Chine. De facture d'apparence plus moderne que "Tuya", car se situant dans un Shanghai en proie à la folie des implantations immobilière, "Apart Together" aborde des thématiques déjà explorées par le réalisateur, comme la puissance des traditions, le poids du regard des autres, tout en critiquant avec humour les rigidités du système administratif et la compétition internationale dans laquelle s'est lancée la Chine.
L'air de rien, Wang Quan'an, dénonce lors d'une visite guidée en bus, l'exacerbation du nationalisme chinois, les commentaires étant uniquement axés sur les performances de hauteur et de grandeur des édifices, face aux autres villes du monde, et surtout à Tapeï. Mais le drame couve, la femme devant choisir entre celui qui est son mari depuis des années et son amour de jeunesse, et le mari se ruinant en achats de crabes onéreux, pour mieux respecter la tradition d'accueil des invités. Celui-ci ira d'humiliations en humiliations, stoïque jusqu'au bout, à l'image de mari handicapé dans "Le mariage de Tuya". Et le réalisateur compense en maniant à merveille un certain humour de dérision, avec le parcours du combattant pour divorcer, amenant le couple à se marier à nouveau, ou en usant de comique de répétition autour d'une série de chansons-hommages qui vont jusqu'à provoquer la pluie.
"Apart together" est donc autant un film politique, décrivant la situation d'une ville champignon, en pleine transformation, dans laquelle les autorités ont décidé que chacun doit vivre dans une tour, qu'un film profondément humain, mettant vie moderne face à face avec la tradition. L'auteur transpose d'ailleurs en une simple, le destin de la grand-mère, séparé de son ami pour cause de guerre, et celui de sa petite fille, sur le point de voir son ami partir étudier aux États Unis. La seule différence réside peut-être en la résignation de la première, remplacée par la colère exprimée de la première. Comme quoi les usages ont tout de même bien évolué avec les générations. Reste malheureusement que ce film manque un rien d'émotion pour emporter réellement le coeur du spectateur.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur